« Vite !  »

Vite. Ce mot, aussi anodin soit-il, lui parut étrange à cet instant. Presque déplacé. Incongru. Jamais elle n'avait couru aussi vite, et ses jambes fluettes, tremblantes, semblaient être devenues deux tas de guimauves à peine bonnes à transporter son corps. Mais elle serrait les dents, elle ignorait la douleur, et surtout celle dans sa poitrine. Ses poumons réclamaient toujours plus d'air, qu'elle, dans sa course folle, ne pouvait leur apporter. Et ses mains, ses petites mains glacées, mordues par le froid, gouttelait d'eau et de neige. Les tapis ancestraux de sa demeure en avaient été parsemé. Quiconque souhaitait la retrouver n'avait qu'à suivre les traces...
Et puis, elle arriva enfin. La grande porte de chêne massif. Celle qui la séparait de la famille, du monde, et de la neige. Oksana se mordillait les lèvres, espérant secrètement que les derniers flocons résistent à la chaleur du foyer.

« Vous pouvez le faire ! souffla-t-elle avec une détermination aux limites du pathétique »

Elle avança la main vers la poignée, toucha le métal qui lui parut chaud – alors que d'habitude, il lui semblait très froid – et entrouvrit la Porte. Son geste fut rattrapé par ses pensées ; et si Czarina dormait ? Elle ne voulait pas lui imposer sa présence. Pourtant, Oksana resta là, livide, le visage coincé entre le panneau et l'encadrement, à scruter la chambre dans ses moindres détails, jusqu'à ce que sa sœur se tourne vers elle et lui sourit. La petite fille songea que c'était une invitation, une autorisation à pénétrer dans son monde de douleur, d'espoir brisé. Sa peau reprenait peu à peu une couleur normale et la neige ne luit brûlait plus les doigts. Elle avait fondu. Elle n'avait pas couru assez vite.
Avant d'entrer, elle se risqua à regarder derrière, voir si personne ne l'avait suivi. Père n'était pas dans les parages. Le soulagement lui fit échapper un soupir. Mère non plus. Elle était sûrement avec Hélios, à lui expliquer qu'il était l'héritier, le pilier de la famille, le pilier de l'honneur de la famille. Ce genre de choses qu'elle ne comprenait pas, mais à juger par le ton sérieux qu'elle prenait, tout cela devait être très important. Oksana aimait sa Mère. Elle était douce avec elle, et elle expliquait bien. À ses yeux, sa Mère, sa magnifique Mère, connaissait absolument tout. Si elle ne savait pas répondre à ses questions d'enfant, elle lui inventait des contes – comme quand Oksana lui avait demandé pourquoi le ciel était bleu, elle se souviendrait toujours de l'histoire du petit esclave et du grand roi.
Ses yeux dépités parcoururent ses paumes humides. Elle entendit vaguement Czarina s'inquiéter de la voir ici, à cause de leur Père, et haussa les épaules en approchant du lit. Oksana pensait surtout à la neige... Peut être aurait elle dû l'emmener dans un bocal ?

« Je voulais te faire un cadeau, avoua-t-elle, une fois blottie contre sa sœur. »

Entendre battre son cœur la rassurait. Elle était toujours en vie même si la souffrance la striait de part en part, cruelle, fourbe, perfide.

« Je voulais te montrer la neige. »

La fillette se dégagea de son étreinte, et lui montra ses paumes vides.

« Mais elle a fondu ! »

Sa voix était empreinte d'une douce protestation, mêlée au dépit innocent qui anime les gamins quand tout ne se passe pas comme ils le prévoyaient.
Czarina eut un pauvre sourire et lui promit qu'elle la verrait avant qu'elle ne fonde totalement, ce qui, pour Oksana, s'avéra être la nouvelle la plus réjouissant qu'elle eut entendu ces derniers mois. Et puis, la porte s'ouvrit brusquement. Aleksander Romanova avait dû suivre les tâches d'eau qui perlaient sur le tapis.

« Oksana Romanova, tu sors de cette chambre. »

Il marqua un arrêt tandis que la fillette descendait du lit en tremblant.

« Tout de suite ! »

Mais elle n'avait pas envie de quitter cette chambre. Non. Elle avait envie de s'opposer au reclus de Czarina. Elle croisa le regard de celle-ci, une fois au centre de la pièce. La douleur dansait dans ses iris, fière de son œuvre.

« MAINTENANT !
—  Oui, Père, murmura-t-elle précipitemment. »

Oksana se sentait lâche. Il referma la porte, et son seul œil, rivé sur elle, lui donna la chair de poule dans l'obscurité du couloir.

« Est-ce que je peux voir Maman ?
— Mère, rectifia-t-il durement.
— Est-ce que je peux voir Mère ?
—  Ta Mère est occupée. »

Avec lenteur, il attrapa une de ses mains et la retourna pour voir ses doigts rougis par le froid.

« Ce sont des... engelures, marmonna-t-il en fronçant les sourcils.
— C'est quoi, des engelures ? s'enquit Oksana d'une petite voix
— Qu'est-ce que des engelures, s'il te plaît. Ce sont des brûlures à cause du froid.
— Comment le froid, il peu... Comment le froid peut-il brûler ?
— C'est compliqué... Va les soigner.
— Mais j'ai pas trop mal.
— Pour l'instant. À partir de maintenant, tu ne joueras plus dehors aussi longtemps. »

La petite fille leva la tête vers lui, un grand sourire sur le visage. Jouer dehors ne l'intéressait plus. Père parlait peu, mais quand il parlait, il disait toujours des choses intéressantes. Et maintenant, elle voulait savoir comment le froid pouvait brûler, et rester dehors ne pouvait pas répondre à ses questions.
Peut être que Mam... Mère le sait ?




Les larmes inondaient ses draps. Les larmes affluaient depuis deux heures déjà, sans raison apparente. Oksana gisait, roulée en boule, comme une lamentable loque imbibée d'eau, impossible à essorer. Depuis quelques temps, elle se sentait mal. Ses déprimes s'intensifiaient. À cet instant, elle se sentait vulnérable, prête à mourir d'une simple crise de pleurs incontrôlables.
Puis, elle se sentait bien. Très bien, même. Elle se sentait presque invincible, impossible à abattre. Son état l'inquiétait. Personne ne se comportait ainsi, et encore moins une Romanova. Sûrement pas une Romanova.
Elle cracha un nouveau sanglot dans un long borborygme, entrecoupé par sa respiration haletante, et enfouit son visage contre son oreiller. Elle devait étouffer tout cela. Se contenir. Créer un barrage pour arrêter les eaux. Elle devait y arriver.
C'est une question d'honneur, comme disait sa mère.

« Pourquoi le ciel est bleu ? »

Briséis Romanova se tourna lentement vers sa fille, étonnée par cette demande insolite de la part d'une grande fille de treize ans.

« Pourquoi le ciel est bleu, répéta-t-elle avec un petit sourire amusé. Je t'ai déjà répondu quand tu étais encore aussi haute que le bureau. »

Oksana se laissa tomber dans un des sièges de la pièce, tripotant nerveusement les immondes froufrous jaunes qui bordaient ses manches évasées. Le jaune ne lui était jamais allé au teint. Et elle détestait les froufrous. Mais ses préoccupations étaient toutes autres. Elle se fichait du jaune, des robes à froufrous, du bleu du ciel. Elle se posait des questions, des questions qu'elle ne devrait peut être pas poser. Comme à son habitude, quand l'angoisse la rongeait insidieusement, elle mordillait sa lèvre jusqu'au sang. Sa Mère arriva à sa hauteur, le même sourire réjoui sur le visage, et elle lui fit remarquer :

« Le jaune ne te sied pas vraiment, Oksana. »

L'intéressée haussa les épaules. Elle n'aimait pas tourner autour du pot.

« Quelle est la définition d'une famille pour vous, Mère ? »

Son ton était plus agressif qu'elle ne l'avait imaginé ; elle avait souvent pensé à cette discussion, réfléchissant aux conséquences, aux réponses qu'elle pourrait lui apporter.
Sa Mère s'assit en face d'elle. Son silence lui était insoutenable.

« Qu'est-ce qu'une famille pour vous ? répéta Oksana, un peu plus doucement
— Des gens qui s'aiment, qui se soutiennent et qui font tout pour leur... bonheur mutuel, répondit Briséis, balayant sa question d'un geste de la main.
— Et ça inclue des sacrifices.
— Ça inclue des sacrifices, confirma-t-elle avec un sourire triomphant.
— C'est une histoire de sang, la famille ? Est-ce que... Est-ce que si quelqu'un est adopté, aimé, qu'il fait tout pour sa famille, pour leur bonheur mutuel, est-ce que... est-ce que c'est une famille ?
— Pourquoi me demandes-tu tout cela ? »

Ses beaux yeux n'exprimaient qu'un mélange subtil d'effarement et de suspicion.

« Est-ce qu'une famille est caractérisée par... par la même idéologie ? Si toute une famille aime le rose et qu'un membre déteste cette couleur, est-ce qu'il fait toujours partie de la famille ?
— Je déteste le rose, plaisanta Briséis. Et il me semble que toi aussi, nous avons donc la même idéologie. Bonne nouvelle, tu fais partie de la famille ! Oksana, qui t'as fourré ces idées dans le crâne ?
— Je me pose juste des questions, chuchota la jeune fille, avant d'éclater en sanglots. Est-ce que vous m'aimez ?
— Évidemment ! »

La réponse avait fusé, nette, sans attendre. Sa Mère s'était levée, enserrant son visage avec une telle force qu'Oksana fronça le nez de douleur. Sa mâchoire était prise dans un étau de chair et d'os.

« Ton père et moi t'aimons. Énormément. Je suis fière, très fière, de t'avoir inculqué tous ces principes sur la famille. Tu es une vraie Romanova. Ta place est auprès de nous et je sais que tu es loyale. Tu tiens de ton père de très nombreuses choses, dont ces très jolis yeux. »

Oksana eut un petit rire, renifla et essuya ses larmes.

« Et tu tiens de ta mère un certain talent pour l'empoisonnement, ajouta-t-elle en souriant à son tour. Je sais que jamais tu ne nous décevras, Oksana. Jamais. Tes frères et sœurs sont autant que toi l'honneur de la famille, et parce que tu te remets souvent en question, je sais que tu feras les bons choix pour que la maison Romanova subsiste à travers les âges. D'accord ?
— Je vous promets de tout faire pour la famille.
— Je l'espère, Oksana. »

Cette dernière phrase la perturba légèrement.







Ce soir-là, elle se sentait bien.
Elle avait été envoyée à Serdaigle, loin de Czarina, Hélios, avec qui elle s'entendait à merveille. Elle aurait dû être triste. Elle adorait sa famille. Pourtant, elle se sentait bien. Cette maison lui correspondait parfaitement et elle le savait. Père était peut être un peu déçu, mais elle était certaine que sa Mère, elle, s'était dit : « Je le savais ! »
Elle était faite pour Serdaigle et elle était sûre d'y briller. D'exceller. Elle était prête à frôler le niveau de Czarina. Prête à frôler la perfection.
Oksana avait assorti les couleurs de sa chambre à celles de sa famille et chaque fois qu'elle voyait son blason, cousu sur ses manches, elle savait qu'ils étaient tous derrière elle. Oui, tous derrière toi et moi aussi. La Voix. Elle tressaillit. La peur gonflait en elle, prête à exploser. Quand elle était seule, la Voix parlait sans cesse. Quand quatre murs la séparaient du commun des mortels, elle devenait folle.

« C'est juste... ton imagination, chuchota-t-elle. »

Ton imagination ? Tatata ! Tatata ! Ta, tata, tata, tataaa ! Et ça, c'est ton imagination ? Tu te rappelles de cette musique ? C'était celle qui était jouée dans la calèche. Tu l'aimais bien, hein ? Je vais la chanter tout le temps. Tout le temps. Ça va être marrant ! On va voir combien de temps tu tiens. Les jolies musiques finissent toujours par devenir terriblement dérangeantes à force d'être entendues. Tu n'es pas d'accord ? Tu n'es jamais d'accord avec moi. Allez, on y va ! Chante avec moi !

« Tatata ! Tata... Oh, c'est pas vrai. »

Un rire diabolique lui fendit le crâne. Oksana se crispa soudainement, porta les mains à son front en priant pour ne pas sombrer dans un nouveau délire paranoïde.
Comme avec Leif ? Tu te rappelles ? Oh ! C'était amusant, ça aussi.

Félicitations, petit padawan, tu es officiellement validé(e) ! Toute ta laïfe, t'as attendu que cet instant pas vrai ? Bref, tu fais officiellement partie de la grande famille qu'est Bloody Hell et on est ravis de te compter parmi nous !

Toutefois, ton inscription (et ton intégration) ne sera que plus complète en faisant les deux-trois trucs obligatoires qui suivent la validation. Pas de soucis, ça dure cinq minutes et après, t'es lâché(e) dans la jungle, bby. Mais tu peux toujours nous mpotter si tu es perdu(e)  

Tout d'abord, il te faudra remplir les registres afin de permettre au staff de savoir qui tu es et ce que tu fais (big brother is watching you. ) N'hésite pas à aller vérifier ça et là si l'équipe administrative a bien fait son job ! Après ça, il te manque plus que des liens, éventuellement un scénario et des rps ! Entre deux rédactions, n'hésite pas à venir flooder et jouer avec nous ! Et si jamais tu dois partir, passe par les absents, tu serais un amour !
Bref, bienvenue, félicitations, on t'aime, merci.