« LADY SIOBHÀN ! » Mademoiselle Elisabeth courait à en perdre l'haleine dans l'escalier principal de la noble demeure des Vasirilis, consciente qu'elle ne risquait pas de rattraper la petite Siobhàn de sitôt mais qu'elle devait accomplir son devoir de gouvernante. Mademoiselle Elisabeth, une quarantenaire célibataire issue des belles rues parisiennes. Spécialement offerte par Céleste de Lioncourt lors de la naissance de Siobhàn. On pouvait parfaitement se souvenir de ce cadeau qui avait bouclé la soirée : « Une noble femme pour parfaire l'éducation de cette princesse grecque ! » s'était exclamée la de Lioncourt, un large sourire aux lèvres. La pauvre Elisabeth s'était attendue à prendre en charge un nourrisson qui deviendrait une véritable princesse, pleine d'élégance et de bonnes manières. Au lieu de ça, elle se heurtait à présent à une tornade ne tenant absolument pas en place. A l'âge de neuf ans, Siobhàn n'avait rien d'une lady. Mal mise, les cheveux retenus en une queue de cheval au quotidien et des plaies sur les genoux, Siobhàn n'était en rien un modèle de raffinement. D'ailleurs, elle ne s'en souciait pas plus que ça. Ce qui l'intéressait, ce n'était pas être assise face à des soieries et futilités. Ce qui l'intéressait, c'était la puissance. Et quelle puissance ! Elle surpassait même Léone à l'escrime. Prochain objectif ? Faire mieux que le fils Romanova.
En ce jour, le prince Endymion fêtait son anniversaire et tous s'étaient préparés. Manquait Siobhàn à l'appel, qui ne comptait absolument pas se faire coiffer et entretenir par Mademoiselle Elisabeth. Être présentable, très peu pour elle. Ne pouvait-elle pas être elle-même ? C'était pour cette raison qu'elle tentait d'échapper aux griffes de la gouvernante, jusqu'à qu'elle se heurte à une silhouette bien plus imposante que la sienne. Sa mère. La douce mais ferme Athénaïs, qui contrairement à son époux, n'en avait que faire des lubies de Siobhàn. Car cette dernière, en tant que fille aînée, avait une image à entretenir en public. Si les Vasirilis se souciaient peu des conformités lorsqu'ils étaient entre eux, il leur fallait être irréprochable une fois face aux autres familles vassales et aux Peyredragon. Ce fut à cet instant que Mademoiselle Elisabeth choisit de faire son apparition, peinant à reprendre son souffle. « Ma... ma Dame, excusez-moi pour ce brouhaha. Lady Siobhàn est intenable, c'est ainsi mise qu'elle souhaite se rendre à la réception ! Entendez-là ! » Athénaïs laissa échapper un soupir exaspéré, tout en gardant cet éternel aspect serein sur le visage. « Laissez, Elisabeth. Je me charge de ce monstre. » lâcha-t-elle avec fermeté, entraînant Siobhàn dans sa chambre. Une fois seules, elle referma la porte, fixant cette fois Siobhàn avec une certaine sévérité. Elle ne pouvait pas accepter que Mademoiselle Elisabeth souffre plus longtemps de cette situation. Il fallait y remédier. Par la force, oserait-elle ? Athénaïs n'avait jamais levé la main sur un de ses enfants. Siobhàn rompit le silence qui se faisait pesant, enflammée. « J'en ai assez, de toutes ces franfreluches ! » Mais sa mère leva la main, lui imposant le silence. A en voir son expression, Siobhàn avait compris qu'elle venait de commettre une erreur. « Tais-toi, Siobhàn. Voilà ce qu'entraîne la compassion sur un énergumène de ton type : des vases cassés au rez-de-chaussée pour les caprices d'une demoiselle qui ne veut pas se changer pour une soirée. » Tranchante sans avoir à hurler. Un art qu'Athénaïs maîtrisait à merveille. Ne pas chatouiller un dragon qui dort, n'était-ce pas l'adage ? Siobhàn baissa les yeux, à présent consciente qu'elle avait sans doute exagéré. « Et pourquoi Léone... » Sa mère lui coupa la parole, intransigeante. « Sache que je t'aime de tout mon cœur, Siobhàn. Mais comprend que tu ne seras jamais Léone ou un garçon. J'exige de toi une attitude irréprochable, tu n'es pas n'importe qui. » Les larmes survinrent automatiquement lorsque sa mère fit allusion à Léone. Siobhàn voulait être différente des filles qui l'entouraient. Elle désirait bénéficier des mêmes droits qu'un héritier et se reprochait de ne pas être née mâle. Sa mère porta ses doigts sur la poignée de la porte, prête à sortir. « Je ne supporterais pas qu'une domestique vive un calvaire pour tes bêtises. Nous t'attendons en bas, sois prête et à la hauteur. »

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L'atmosphère était étouffante, tandis que les flammes s'emparaient de Buckingham Palace sous les yeux victorieux du roi Smaug Peyredragon et cinq de ses plus fidèles vassaux. La population sorcière observait le feu dévoré le bâtiment, tandis qu'elle jouait des coudes pour se frayer un chemin parmi cette foule et voir ce qu'il se passait. Le spectacle fut d'autant plus mortifiant lorsqu'elle vit le corps de son père ligoté sur le haut du palais, carbonisé et définitivement... mort. Son corps tomba en même temps qu'elle se réveilla de ce sommeil court. Déconcertée, Siobhàn se redressa de son lit. Il faisait jour et un magnifique soleil éclairait sa chambre. Les fenêtres étaient ouvertes afin d'aérer les lieux. Reprenant ses esprits, Siobhàn se rappela qu'elle était retournée au château après un entraînement intensif de maniement des armes. Puis, qu'elle comptait reprendre ses activités après deux heures de repos. Sauf qu'elle s'était endormie par idnavertance. Le soucis était qu'elle n'avait aucunement envie de s'entraîner de nouveau. « Fichu cauchemar... » grommela-t-elle, tout en se redressant avec agilité afin de quitter la pièce. Un masque pensif recouvrait son visage entouré d'une chevelure blonde. La Rébellion. C'était ça, qu'elle avait revu. Sept ans après, tous ignoraient que les Vasirilis étaient les investigateurs de ce mouvement qui contrait la mentalité royaliste. Les Vasirilis avaient essuyé une défaite secrète et Siobhàn ne s'était jamais posée davantage de questions. Elle s'était instinctivement rangée du côté des plus forts et suivaient à la lettre les codes sociaux de la sphère magique. Son rêve était d'intégrer la Milice des Ombres, au plus grand damn de ses parents. Pas parce qu'elle ne suivait pas l'éducation que sa famille lui avait inculqué, mais parce qu'à vrai dire, Siobhàn n'était pas spécialement attirée par les animaux. Elle n'avait rien en commun avec Pavel ou Lyra concernant ses passions ou encore, ses objectifs. Siobhàn voulait être puissante et être une femme respectée. Une guerrière. Mais si elle devenait une Ombre, ferait-elle partie de ceux qui devraient se retourner contre les Vasirilis - son propre sang - si besoin ? On l'y forcerait certainement. Cette option n'était pas envisageable.

Il lui fallait consulter son père. Nikos Vasirilis était connu pour sa sagesse, lui seul savait comprendre n'importe qui mieux que personne. Ce n'était donc pas lui qui allait la juger, au contraire. D'ailleurs, il ne l'avait jamais fait. Elle savait où le trouver. Siobhàn le retrouva au sommet d'un arbre spécialement aménagé pour qu'ils puissent y grimper sans se blesser via une échelle plus grande que la moyenne. Presque féline, elle se hissa à la même hauteur que son paternel. Celui-ci avait le regard rivé vers l'horizon, ce qui ne l'empêcha pas de se tourner vers elle. Il l'accueillit d'un léger sourire, l'invitant à s'asseoir près de lui. Elle obtempéra. Siobhàn se remémora son enfance. Trop impétueuse et nerveuse, il la calmait fréquemment en lui promettant de dîner avec elle sur cet arbre. Son père était son chevalier servant. Le premier avant Léone. A présent, Siobhàn avait l'impression que toute l'attention de la maisonnée se rivait vers son frère, d'un an son cadet. Léone, l'héritier. Celui qui répondait parfaitement aux attentes de leurs parents. Tandis qu'elle, n'était que Siobhàn l'Indomptable. « Ma Siobhàn. » lâcha-t-il avec décontraction, lui portant une tape à l'épaule et ébourrifiant la chevelure solaire de la lionne. Il était bon de le retrouver. De voir émaner de son géniteur autant d'affection et de sincérité, chose rare chez les grandes familles nobles. « Papa... » Les formalités n'étaient pas de mise lorsqu'ils étaient en privé. Papa, mieux et plus proche que Père. Au Diable les mondanités et mots trop polis pour être réels. « J'ai fais un cauchemar. » confessa-t-elle automatiquement, quelque peu honteuse. Pas seulement car ça faisait faiblard, mais aussi parce qu'elle s'était querellée avec son père quelques jours plus tôt à cause de son souhait absolu d'appartenir à la Milice des Ombres... de ployer le genou face aux terribles Romanova, en somme. « Etait-ce si terrible ? » l'interrogea-t-il avec une moue rieuse. Merlin, il n'était plus fâché du tout. L'orage ne durait jamais longtemps avec Nikos Vasirilis. Elle devait en prendre de la graine. « Oh, oui. J'ai rêvé de la soirée où le roi avait écrasé définitivement la Rébellion. Sauf que... » Siobhàn marqua une pause, prenant consciente de la douleur infligée rien qu'à la pensée d'imaginer son père mort. Il était l'équilibre de la maison et de son âme. « ... vous étiez brûlé vif. Les Peyredragon avaient appris votre traîtise. La notre. » acheva-t-elle. Il la sonda de ses iris clairs, qui se détournèrent vers le ciel. Son père était serein. Comme si ce qu'elle contait de l'atteignait pas. « Faisais-tu partie de ceux qui m'avaient causé du tort ? » l'interrogea-t-il, plus calme qu'une licorne encore. Siobhàn ne saisissait pas le sens de cette question, fronçant les sourcils et réfléchissant. Bien sûr que non. Dans ce rêve, elle se frayait un chemin pour voir ce qu'il se passait. Ô grand jamais elle ne ferait du mal à un membre de sa famille. Les Vasirilis étaient tout ce qu'elle avait de plus précieux. « Pas du tout. » Un large sourire s'était installé sur la face de son père. Il semblait fier, persuadé qu'une bonne chose venait d'arriver pour eux et surtout, pour sa fille. Son père contredisait avec son expression ce que Siobhàn avait pensé tout au long de son enfance : qu'elle n'était pas à la hauteur. Qu'elle aurait dû naître garçon. Qu'il préférait ses frères à elle; Nikos porta une main sur l'épaule de Siobhàn, la forçant à le regarder dans les yeux. « Tu es une partie de moi, à l'instar de tes frères et ce, même si tu es une fille. Si tu n'avais pas cette rage, tu serais sans aucun doute celle qui me ressemblerait le plus. En tant que père, je suis fier de ton bon comportement et de ce que tu as pu accomplir... tout autant que je dois prendre la responsabilité de corriger tes erreurs. Peut-être que je ne t'ai pas bien enseigné les choses. Je ne t'ai jamais fais sentir que tu étais une partie de mon âme. » Siobhàn baissa les yeux, presque honteuse de son attitude et des horreurs qu'elle avait pu vociférer lors de leur dernière dispute. Elle avait toujours pensé que Léone passait avant elle. Qu'elle ne servait qu'à décorer la vue de ses parents. Qu'elle était inutile selon eux et qu'elle devait se forger elle-même, quitte à aller vers une direction opposée à celle des préceptes des Vasirilis. « Pardonnez-moi. Pardonnez-moi de ce que j'ai pu dire ou faire, que ce soit le jour où nous nous sommes disputé ou les autres. » « C'est déjà fait, petite lionne. Sache juste que c'est pour cette raison que je ne veux pas que tu intègres la Milice des Ombres. Je veux que tu restes auprès de nous pour nous aider dans un combat bien plus important. » Un combat qui s'appelait la Seconde Rébellion.

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« Tiens, regarde qui est là. » chuchota Ophélia, lui donnant un coup de coude afin qu'elle relève les yeux du bouquin qu'elle avait entre les mains. Si Siobhàn savait instinctivement de qui parlait son amie, elle ne put s'empêcher de relever le visage afin de le regarder. Assez grand, blond et un sourire malin sur sa face : sans aucun doute, Enguerrand de Lioncourt. Celui qui était sur sa liste rouge mais qui aurait pu rester sur la verte si lady Céleste n'avait pas eu l'idée horripilante de fiancer les deux jeunes gens ensemble. Nikos Vasirilis n'avait pas eu son mot à dire, obtempérant afin de sauver les apparences. « Qu'il ne s'approche pas ou sinon, je me débrouillerais pour lui planter ma baguette magique en plein coeur. » débita-t-elle d'une traite, presque haineuse. Enguerrand et Siobhàn ? Tout avait débuté il y avait des années de cela. Quand Benjen, son meilleur ami, avait imposé la présence d'Enguerrand à Siobhàn, celle-ci ayant accepté pour les beaux yeux de Benjen. Depuis, c'était une guerre déclarée. Enfin, plutôt des chamailleries constantes. Enguerrand semblait faire de son maximum pour énerver la déjà nerveuse Siobhàn Vasirilis. Cela remontait à leur enfance. Puis était venu le défi ultime : l'annonce de leur futur mariage le jour même du vingt-et-unième anniversaire de Siobhàn. La nouvelle avait eu l'effet d'une douche froide, d'un coup de poing violent en pleine figure comme elle avait l'habitude d'en foutre à d'autres. Siobhàn n'adressait plus du tout la parole à Enguerrand, l'évitant soigneusement et ne l'intégrant même plus dans la bande.

Elle fit mine de se concentrer davantage sur son bouquin, ignorant royalement un Enguerrand qui avait décidé de s'installer près d'elle. Éternellement provocateur, il ne prit pas en compte l’œillade d'Ophélia qui l'incitait à déguerpir s'il ne désirait pas s'attirer les foudres d'une lionne plus qu'en colère. « Je crois qu'on devrait se réconcilier, tu n'crois pas ? » Siobhàn en lâcha son ouvrage, se tournant lentement - mais dangereusement - vers Enguerrand. « Réconcilier ? On se dispute depuis la nuit des temps, il n'y a jamais eu de paix entre nous. Alors de quelle réconciliation tu parles ? » Elle était plus abrupte que jamais, décidée à mettre un terme à cette mascarade. Le mariage, Siobhàn n'y songeait pas plus jeune. Contrairement à la plupart des demoiselles de la haute noblesse, elle n'attendait pas l'évènement avec impatience. L'idée de devenir femme au foyer ou mère la révulsait au plus au point alors qu'elle-même n'avait pas daigné respecter l'intimidé de sa propre génitrice en venant au monde. C'était injuste et donc, totalement en accord avec l'égoïste Siobhàn. Ophélia s'était éclipsée avec discrétion, peu encline à être témoin d'une explosion nucléaire. « Je sais que tu m'aimes bien. Prend exemple sur moi : je vis très bien cette situation... parce que je sais que tu finiras par tomber amoureuse de moi. » Les poings de Siobhàn se serrèrent. Elle était prête à bondir. Siobhàn haïssait cette assurance inutile, cet air supérieur, tout de lui inspirait la gerbe à la Gryffondor. Souvent, elle se demandait comment Benjen supportait Enguerrand. Peut-être qu'Enguerrand pratiquait une magie spécifique pour séduire n'importe qui. Pas elle, en tout cas. « Je te déteste, Enguerrand de Lioncourt ! » s'écria-t-elle en pleine salle d'étude, nullement honteuse de la présence des professeurs qui surveillaient la pièce et qui la toisaient avec méchanceté, excédés par ce cri. Enguerrand était plongée dans un fou rire silencieux, heureux de la faire sortir de ses gonds. « Sois gentille, love. Faut-il que j'inscrive "je t'aime" sur une pierre et te la balancer à la figure pour que tu comprennes ? » C'en était de trop. Assez. Enguerrand ne l'aimait pas, il se jouait d'elle. C'était autre chose. Siobhàn n'était pas naïve. Aucun homme n'était capable de l'aimer sincèrement. Ce qu'ils préféraient chez elle, c'était ses courbes. Les vrais mâles l'oubliaient dans la plupart des cas lorsqu'il s'agissait d'amour. Il n'était pas facile d'apprécier le tempérament volcanique de Siobhàn et ça, elle l'avait parfaitement compris et faisait mine de s'en contreficher. Elle se leva subitement, une gifle monumentale s'abattant sur la joue d'Enguerrand. Tellement forte qu'un filet de sang s'était échappé de la lèvre inférieure du beau blond. « Faut-il que je chie dans un mouchoir et que je te l'offre pour ton déjeuner pour que tu comprennes à quel point tu me fais chier ? » La politesse et l'élégance n'était pas de mise avec Siobhàn. Elle était authentique au possible et ne se souciait pas du regard des gens. Réunissant ses affaires, elle détala rapidement avant qu'un enseignant ne mette la main sur elle. Quoique, les représailles n'allaient pas tarder et ce, avant la fin de la journée. Poudlard n'était pas clément avec les perturbatrices.