Il y avait quelque chose que Jaime ne comprenait pas. Cela arrivait un peu trop souvent pour être tout à fait honnête, mais il se gardait bien de dire quoi que ce soit. Il savait que ce n’était pas sa place de poser des questions, de paraître idiots ou de faire des remarques stupides. A huit ans, on demandait déjà beaucoup de lui et Jaime faisait de son mieux pour répondre présent à l’appel du devoir et de la noblesse. Mais il était un enfant malgré tout, et certaines choses lui échappaient. Comme le fait de devoir avoir un esclave, et de le traiter comme un moins que rien. On lui avait déjà fait visiter les camps pour nés-moldus qui appartenaient à sa famille – il se refusait à les appeler sang de bourbe, trouvant cela dégradant – et il avait toujours était horrifié du comportement des autres vis-à-vis des futurs esclaves. Il n’avait rien dit pendant les visites, gardant ses doutes et ses questions pour lui, son instinct lui dictant de ne pas ouvrir la bouche pour le moment, de taire ses opinions. Mais Jaime n’était pas du genre à ne rien dire trop longtemps. On lui reprochait souvent sa façon de prendre la parole de façon intempestive, coupant la parole et dérangeant la quiétude de ses aînés. Mais il ne pouvait juste pas s’en empêcher,  quand quelque chose lui paraissait bizarre ou qu’il ne comprenait pas, il avait besoin de demander, de comprendre. Il n’était pas capable de juger sans avoir tous les paramètres, et Jaime détestait poser des opinions hâtives. Alors un jour, alors que son père et lui partageait un dîner en tête à tête – cela arrivait parfois, rarement – Jaime demanda. « Père, pourquoi traitons-nous les nés-moldus comme cela ? Ce sont des sorciers pourtant non ? » Son père avait ri, semblant trouver sa réflexion absolument hilarante. Jaime, vexé, avait froncé les sourcils et pincé les lèvres, ne comprenant pas ce qu’il y avait de drôle dans ce qu’il venait de dire. Il détestait quand son père le traitait comme un enfant qui ne comprenait rien. Justement, il cherchait à comprendre. « Tu comprendras quand tu seras plus grand Jaime. Pour le moment, garde juste en tête que les moldus méritent moins de respect que les animaux et que leur progéniture n’est là que pour nous servir. Tu verras, tu comprendre quand tu auras ton esclave. » Jaime s’était mordu la langue pour ne pas répliquer, un goût de sang envahissant sa bouche. La main serrée sur sa fourchette, il n’avait soudainement plus eu faim. Il était assez grand pour comprendre. Il était assez grand pour comprendre que chaque être humain méritait d’être traité de la même façon, et que la pureté de son sang ne changeait rien de tout cela. Mais Jaime, pour l’amour d’enfant qu’il portait pour son minuscule père, accepta d’attendre d’être plus grand. Juste pour voir si son avis allait changer.

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Jaime a grandi, mais il y a toujours des choses qu’il ne comprend pas. Son avis sur les nés-moldus n’a pas changé, et il se met à développer un profond dégoût à l’encontre de la société actuelle, détestant ses parents et tous ceux pensant comme eux. Mais ce n’est plus cela son problème. Il arrive qu’il entende des choses sur Morrigan Ravenclaw. A quel point elle est belle – il est tout à fait d’accord sur ce point – intelligente – encore tout à fait d’accord – bien élevée et gracieuse – Jaime ne peut pas désapprouver – et sa façon de savoir parfaitement maitrisé ses émotions, le masque impassible qu’elle porte depuis son plus jeune âge. Ca, par contre, Jaime ne le comprend pas. Morrigan n’est jamais comme cela avec lui, ou avec leur groupe d’amis. Mais c’est ce que tout le monde raconte, même Lukeria, la sœur jumelle de l’héritière Ravenclaw. La princesse de saphir, la princesse de glace. Jaime veut bien admettre qu’elle possède une beauté froide, mais il a plus souvent vu Morrigan sourire et rougit en sa présence qu’autre chose. Peut-être qu’il y a un problème avec lui. Cela l’inquiète en réalité, et il espère ne pas importuner la jolie brune aux yeux si magnifiques. Ô ses yeux, Jaime pourrait en parler pendant des heures. Il n’a jamais rencontré de fille – de personnes même – avec des yeux violets. Il ne savait même pas que cela existait pour tout dire. Mais franchement, c’était la chose la plus belle du monde entier. Enfin bon, Morrigan était la plus belle personne du monde entier alors cela paraissait normal. Et oui, il savait qu’elle avait une sœur jumelle, mais Morrigan c’était juste… Morrigan. La jolie fille aux yeux violets, aux cheveux soyeux, à la peau pâle, à la voix délicate, au joli rougissement, au doux sourire. Celle qui fait battre son cœur plus vite, qui rend ses mains moites et qui fait faire des loopings à son ventre quand elle bat des cils. Jaime ne sait pas encore trop identifier tout ce qu’elle peut lui faire ressentir, mais  il est certain d’apprécier énormément tout cela. Il sait aussi qu’il aime beaucoup la voir sourire, alors il fait un peu trop le pitre en sa présence, et il dépense beaucoup d’argent à lui offrir des milliers de choses. Il se rappelle qu’un jour, elle lui a dit trouver les vivets dorés mignons. Jaime sait bien qu’on ne peut pas avoir de vivet doré chez soi sans en demande l’autorisation aux Vasirilis, alors le lendemain, il se retrouvait en audience privée à quémander l’autorisation, arguant que c’était pour Morrigan et qu’il voulait la rendre heureuse et qu’elle allait bien prendre soin de l’oiseau. C’est à peine une semaine plus tard qu’il arrivait tout fier auprès de la belle, cage contenant un oiseau en main. Elle avait rougit, encore, sourit, encore. Jaime s’était encore inquiété, car apparemment ce n’était pas normal qu’elle se comporte ainsi. Il se rappelle du rire de son grand frère quand il lui avait demandé si cela était normal. « Ça veut dire qu’elle t’aime bien, idiot. » Jaime en avait été tout retourné et il avait été d’excellente humeur pendant de très longs jours après cela. Tout était simple avec Morrigan. Il avait l’impression de la connaître depuis toujours – et c’était presque le cas en vérité – et il la connaissait de mieux en mieux. Il savait reconnaître ses froncements de sourcils, les lueurs dans ses yeux, son dos qui se raidit, sa bouche qui frémit, le coin de son œil droit qui se plisse un tout petit peu quand elle se met en colère – pas contre lui normalement, heureusement. Il l’apprécie un peu plus chaque jour, et il attend la rentrée à Poudlard pour enfin, oser lui demander de devenir sa petite-amie. Il fait ça en grand bien sûr. Il lui faut une semaine pour tout organiser, faire répéter à Ariel – son esclave – une cinquantaine de fois ce qu’elle doit faire et prendre son courage à deux mains. Et il y était arrivé, finalement, en haut de cette tour d’astronomie. Il a eu le loisir de regarder les couleurs du feux d’artifice illuminer le visage de Morrigan dans la nuit noire, voir le rouge lui monter aux joues en voyant le « Morrigan Ravenclaw, me feriez-vous l’honneur de devenir ma petite-amie ? » le sourire qu’elle a eu en acceptant et la sensation de flotter au-dessus du sol quand finalement, finalement, ses lèvres ont rejoint les siennes pour la première fois. C’est là qu’il a su. Morrigan est la femme de sa vie.

Bien entendu que Jamie fait partit de la Rébellion. Il a toujours été un rebelle, depuis son plus jeune âge où il demandait à son père pourquoi on traite mal les nés-moldus. La réponse ne lui convient toujours pas, et il veut changer le monde. Il est jeune, il se croit invincible et il se lance à corps perdu dans cette cause qu’il embrasse de tout son cœur. Il veut libérer ces gens, leur permettre d’avoir une vie décente et heureuse. Il veut voir Ariel fonder une famille, Lysa ne plus avoir à obéir à Morrigan au doigt et à l’œil. Ne plus entendre les cris des esclaves que l’on torture, ne plus les voir obligé de se plier en quatre pour leur maître sous peine de châtiments. Il veut vivre dans un monde meilleur, un monde où l’égalité et la justice sont maitres-mots. Il a entendu parler de la devise française moldue, qui dit « Liberté, égalité, fraternité. » Jaime trouve ces mots forts, beaux et importants. Cela l’inspire, et il a envie de rire au nez des pro-esclavages, leur montrer que de simples moldus ont compris avant eux qu’un monde en paix, c’est un monde égal. Mais pour le moment, il ne peut pas. La Rébellion a besoin de retrouver des forces, des membres prêts à se battre pour ce qu’ils défendent. Jaime se battra lui, et ce jusqu’au bout. Il a été sincèrement heureux de ramener Gwayne, Lukeria et Rosehei dans la Rébellion, heureux d’avoir la confirmation qu’ils n’accrochent pas aux idées barbares de leurs aînés. Jaime aurait aimé pouvoir ramener Morrigan aussi, mais il la connait suffisamment pour savoir qu’elle aurait refusé. Et puis, il a le devoir de la protéger. Elle est sa petite-amie, la fille qu’il aime, la femme de sa vie. Il ne peut pas se permettre de la mettre en danger. Alors avec Gwayne, ils l’éloignent de tout cela. Ils l’éloignent trop, mais ils ne s’en rendent pas compte. Jaime est tellement occupé avec la nouvelle attaque qu’ils prévoient, avec les entraînements, les clubs, son ordre, les cours. Il ne sait plus où donner de la tête et il finit par se perdre. Et en se perdant, il perd Morrigan, qui s’éloigne aussi de lui, inexorablement. Mais il est un idiot, il ne le voit pas. Quand il s’en rend compte, il décide de faire passer un cap dans leur relation. Alors il va dans une bijouterie sorcière très chère, il passe des heures à regarder les bagues et il se décide pour une bague fine en argent, ornée d’un saphir. Il y fait graver une phrase un peu niaise « Together till the end » et il se promet de demander Morrigan en mariage cet été, quand tout sera plus calme et qu’ils pourront profiter de leur bonheur. Et puis il y a l’attaque, la mort du petit dernier des Ravenclaw et Jaime n’a pas le temps de se rendre compte que c’est la goutte qui fait déborder le vase. Tout est fini, et ce par sa faute.

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Il a hurlé. Il a hurlé, sa magie a déferlé par vague hors de corps, il a effrayé une bonne dizaine d’étudiants et il se demande comment il n’a pas tué Lukeria sous le coup de la colère, du chagrin. Et puis ensuite il a pleuré, il s’est lamenté sur l’épaule de sa meilleure amie. Et puis après, il n’y a plus rien eu. Son cœur ne battait plus que pour le maintenir en vie, et chaque pulsation était douloureuse. Il l’avait perdu, et c’était entièrement de sa faute. Il aurait dû voir que cela n’allait pas. C’était son rôle, savoir quand Morrigan avait des soucis, quand leur relation était en péril. Il la connaissait tellement, les signes devaient être tellement évidents. Mais il voulait tellement bien faire, tellement changer le monde et rendre les gens heureux qu’il en a oublié son propre bonheur, son bonheur de couple, il a oublié le bonheur de Morrigan. Et cela, il ne pourra jamais se le pardonner. Il est en colère, tellement en colère. Contre lui-même, et puis un peu contre Morrigan aussi. Pourquoi n’est-elle pas venue le voir pour lui annoncer leur rupture ? Lukeria n’était pas son hibou, et il n’arrivait pas à comprendre pourquoi elle n’était pas venue elle-même. Mais dans le fond, cela revenait au même. Il aurait bien plus mal en voyant la froideur dont peut faire preuve sa bien-aimée, lui qui avait si peu souvent dû affronter la princesse de glace. Les coups d’épées s’abattent sur le mannequin d’entraînement alors que Jaime laisse échapper toute sa rage, toute sa peine encore et encore. Il ne pourra jamais se le pardonner. Il ne pourra jamais supporter de voir Morrigan au bras d’un autre, de savoir qu’elle sourit à un autre, de savoir qu’un autre la touche. C’est sa Morrigan. La femme de sa vie, celle qui donne une raison à son existence même. Il frappe plus fort contre le mannequin à cette réalisation et les larmes coulent encore sur ses joues. Il a fait tellement de choses ces derniers temps. Il a pris du muscle, a appris à encore mieux se battre qu’auparavant, a participé à des plans foireux des Joyeux Lurons. Mais tout est vide de sens sans Morrigan. Il doit la récupérer. Ils sont faits l’un pour l’autre, il le sait et elle aussi, il en est persuadé. Un dernier coup d’épée s’abat, manquant de couper le mannequin en deux. Il est un Gryffondor, il ne laisse pas tomber aussi facilement. Il est un De Lioncourt, et même s’il déteste sa famille, leur devise est chère à son cœur. « Aussi haut que l’honneur. » Et pour lui, son honneur, c’est de récupérer la femme qu’il aime, de réparer ses erreurs. Alors même si cela prend des années, même s’il doit envoyer des tonnes de lettres et la couvrir de cadeaux, même s’il doit être en abstinence totale pendant plusieurs années, il parviendra à son but. A cet instant, Jaime est certain de deux choses. Il aime Morrigan. Et Morrigan l’aime aussi.