d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu ce que je souhaitais : des jouets, de nouvelles robes –chose encore plus simple lorsqu’on connait mon nom de famille– et autres. j’étais chouchoutée de toute part. et pourtant, j’ai toujours ressenti un léger vide dans mon cœur. quelque chose d’indescriptible. comme si je n’aurais jamais dû être fille unique. c’était idiot comme sensation car c’était ce que j’étais, fille unique, et cela n’allait pas changer de sitôt. mais peut-être était-ce cette sensation qui me fit m’intéresser aux autres et de ne pas être la fille si égoïste, exubérante et superficielle que les autres voient.

les gens ne connaissant pas Rose Tyrell me voient comme une gryffondor écervelée, bruyante et pourrie gâtée de dix-neuf ans et ne s’imaginent pas un instant voir « princesse Tyrell, fille unique des grands couturiers Tyrell » s’intéresser au sort des sang-mêlés et des esclaves. après tout dans ce monde, se soucier du sort des autres est loin d’être monnaie courante. alors cela m’arrangeait d’être prise pour ce que je n’étais pas entièrement, du moment que mes proches savaient qui j’étais. mon extraversion cachait mon intérêt pour les autres mais cela ne me faisait pas jouer un rôle pour autant, sauf en public avec mon esclave pour ne pas lui attirer plus d’ennuis qu’il n’en a déjà avec sa condition. mais ça, il le sait et la seule chose dont il pouvait se plaindre réellement est de jouer au mannequin de temps en temps en portant des affaires à moi. ça me faisait rire, mais pas lui. pas complètement.

en y réfléchissant, une partie de moi sait que j’ai de la chance d’être tombée chez les Tyrell : aimante, avec des moyens et un statut plus qu’honorable et sans drame à déclarer. pas comme les familles de Jamie, de Gwayne ou de Meredith. ils font probablement partie des nombreuses raisons de mon envie de changer les choses, même si le chemin est loin d’être tranquille pour atteindre le but souhaité.

hyperactive et intrépide comme pas deux dès mes premiers pas, j’étais destinée à rejoindre les Rouge et Or bien avant que le Choixpeau me le confirme. c’est probablement pour cette raison que mes parents, conscients que d’être amie avec Jamie De Lioncourt n’allait pas calmer mon hyperactivité et que Meredith ne pourrait pas être là pour me canaliser tout le temps, décidèrent de m’acheter un esclave : Micah. si nos débuts, malgré notre jeune âge, furent difficiles, Micah réussit à baisser ses défenses grâce à l’environnement du Manoir Tyrell et aux paroles des autres domestiques (mes parents ou moi n’avons jamais été des tyrans avec notre personnel, c’est d’ailleurs tout le contraire) et nous avons pu être plus que maîtresse / esclave. cela dit, Micah ne réussit pas à changer mon caractère de façon drastique et ma répartition resta des plus logiques.
j’intégrai donc la maison gryffondor en compagnie de Jamie en m’y sentant à ma place dès le départ. peut-être était-ce grandement dû à la présence d’un ami à mes côtés dès le départ ? ou peut-être était-ce dû au fait que je n’avais jamais appartenu à une autre maison que celle des Rouge et Or. tout ceci s’est prouvé durant mes cinq premières années à Poudlard : je n’étais pas aussi douce et patiente que Meredith, pas aussi érudite que Lukeria et pas aussi subtile que Gwayne. gryffondor était ma deuxième maison et cela m’allait parfaitement.

en cinq années d’études, j’avais entre autres compris que les matières théoriques n’étaient pas pour moi, qu’on ne pouvait pas s’entendre avec tout le monde (et je leur rendais bien), que les amis étaient réellement une famille qu’on choisit et que je n’étais vraiment pas pour la maltraitance envers les sangs-mêlés et les esclaves. ils restaient des êtres humains, pas de vermines à exterminer. Seulement je ne pouvais rien dire à voix haute. et suis bien contente de ne pas être la seule à être contre tout ça…

Jamie, Gwayne, Lukeria et Rose. Les Maraudeurs, le quatuor de choc, celui dont tout le monde avait forcément entendu parler au moins une fois. trois maisons différentes, quatre meilleurs amis avec des débuts plus ou moins faciles (d’accord, des débuts difficiles pour Luke et moi, je l’admets) et un même idéal. dans un contexte différent bien loin de celui dans lequel nous vivions, nous étions destinés à être ce quatuor en or et soudé jusqu’à la fin de notre vie. mais la réalité était différente, allait être différente. si nous avions évidemment nos disputes et nos problèmes et que nous les avions surmonté, ce qui venait de nous tomber dessus n’allait pas se résoudre aussi facilement. alors que Luke venait de perdre son petit frère Hélios à cause de la Rébellion et que Jamie venait de perdre Morrigan et son protégé Hélios à cause de la Rébellion également, nous récupérions les morceaux brisés Gwayne et moi. cela aurait pu nous faire oublier nos idéaux, aurait dû faire en sorte de nous mettre en retraite. et pourtant, aucun de nous ne voulait abandonner la Rébellion ou un de nous quatre. après tout nous faisions tout généralement à quatre, le bon comme le mauvais, les bêtises comme les choses sérieuses, et que, quoi qu’il arrivait, nous affrontions tout à quatre. même la décision de rejoindre la Rébellion avait été faite à quatre, en quelque sorte.

en parlant de la Rébellion, si quelqu’un se demande comment deux gamins de la Noblesse et deux Sang-Purs ont pu y atterrir, la seule chose à dire est l’ouverture d’esprit. lorsqu’on ouvre les yeux sur la réalité, les conditions de vie d’un esclave ou d’un sang-mêlé et les abus causés, on se rend compte que quelque chose ne va pas. et certains, comme Jamie, s’en sont rendus compte bien avant les autres. rien que pour cette ouverture d’esprit je n’abandonnerai pas le combat, tout comme je n’abandonnerai pas mes amis.

si les livres que l’on m’a longtemps lu pour m’endormir ne reflétaient pas la réalité, j’ai toujours rêvé du prince charmant et de lui plaire. ou, par extension, de plaire à tous les garçons, sauf exceptions. C’est probablement ce rêve de prince charmant qui anime mon désir de plaire au fils Peyredragon et non de réels sentiments amoureux. ce rêve de couronne qui m’aveugle un peu trop, m’empêchant de réaliser que mon véritable prince charmant n’est ni celui avec la couronne ni même celui ayant été désigné pour être mon mari mais celui au caractère complétant le mien et pensant que je suis hors d’atteinte.
cependant en attendant, je m’amusais à voir Isak Akerson, mignon et adorable sang-mêlé de la même maison que Meredith, rougir et balbutier avant de pouvoir réellement me parler, j’acceptais mes fiançailles imposées et réfléchissais à différents stratagèmes pour faire changer d’avis Endymion sur mon compte et pouvoir ainsi devenir sa maîtresse. c’était drôle de voir à quel point je n’avais pas les yeux ouverts sur le sujet de la gente masculine et n’en avais surtout pas conscience. mais un seul événement pouvait tout changer et il arriverait tôt ou tard

au début de l’été, mes parents ainsi que ceux de Gwayne décidèrent qu’il était temps de nous annoncer nos fiançailles. les fameuses fiançailles sang-pures où les mariés ne choisissent en aucun cas sa future moitié. je connaissais le deal et fus reconnaissante de tomber sur Gwayne. je tombais sur quelqu’un qui me respectait et m’appréciait. je tombais sur le meilleur frère et non sur Aegon. seulement si j’étais satisfaite de ces fiançailles, Gwayne ne le semblait pas autant que moi pour une raison que j’ignorais pour l’instant. encore fallait-il trouver le moment de lui demander, moment qui se présentera sûrement à notre retour à Poudlard pour notre sixième année.

en plus de devoir gérer les conséquences néfastes de la révolte et l'envie de s'impliquer encore plus dans la Rébellion, la sixième année représentait une année charnière : celle du choix. officiellement, le seul choix à faire concerne la spécialité pour la septième année mais officieusement, je sentais que d’autres choix encore plus difficiles me feraient face. était-ce dans l’air du temps ? oui, évidemment. étais-je prête à les faire ? pas vraiment. tout ce qu'il me restait à faire était d'espérer que mes pressentiments ne voient pas le jour.