Wright. Une famille écossaise proche de la famille royale – et qui avait bien des avantages au vu de leur statut et de leur héritage titanesque. Un petit château à quelques kilomètres d’Edimbourg, près d’un lac paisible où les cygnes et autres oiseaux venant d’Asie ou d’Amérique Latine se pavanaient allègrement. Le château avait presque autant de salles que de jours dans un mois, et l’une d’entre elles avait même un aquarium colossal qui pouvait faire rougir les plus grands d’Ecosse. Amis des animaux, leur ferme recensait des espèces qui se comptaient par dizaines. Plus d’une vingtaine d’employés avaient pour mission d’entretenir le patrimoine animalier des Wright. Evidemment, personne à part eux n’avait le droit de s’approcher d’eux à moins de trois mètres. De toute manière, Madame Wright avait horreur de ces « satanées bestioles » et ne les aimait que « dans un bocal » où « à l’autre bout du jardin ». Après tout, c’était juste un prétexte pour étaler leur richesse devant leurs amis sans prétention apparente.

A côté, Cleos grandissait à son rythme. Contrairement à ses parents, bien trop occupé à compter leur fortune à longueur de journée, lui s’intéressait à ces animaux.  Il passait son temps à les observer, leur parler, les nourrir, jouer avec eux, les dresser, les bichonner dès que les gardiens avaient le dos tourné. Il se faisait souvent gronder à ce sujet, mais n’hésitait pas à recommencer sitôt que l’on ne le surveillait plus. Il en venait presque à aimer plus les animaux que les humains. Après tout, il ne voyait pas tant de monde que ça. Mis à part les gardiens, les majordomes, sa gouvernante, sa maîtresse personnelle (qui lui donnait des cours à domicile) et ses parents, il ne connaissait aucun enfant de son âge. Et il n’en n’avait presque jamais vu. Ses parents, dont le père était déjà retraité, n’étaient pas très friands de sorties. Et Cleos était bien trop jeune pour pouvoir se rendre en ville tout seul, alors que leur château était perdu au milieu de nulle part.

Il était un peu malheureux. Il rendait la vie dure à sa maitresse qui commençait à désespérer de lui. Il rêvait d’école, de jeux entre garçons. Il rêvait d’aventures, de sortir un peu de cette prison dorée. Il rêvait de la lune, des étoiles, qui le fascinaient encore et toujours parce qu’elles étaient très loin mais assez proches pour que leur éclat soit perceptible. Il voulait briller comme elle, en toute discrétion. Il voulait tracer sa route. Mais à onze ans, qu’est-ce qu’on est dans le monde ?

Il savait qu’il était différent. Il savait qu’il n’était pas comme ses parents. Ils l’auraient prévenu sinon. Il ne leur avait rien dit. De toute manière, ils ne l’écoutaient jamais, si ce n’est pour le gronder juste après. Et puis, c’était bien plus drôle de garder le secret pour lui tout seul. Il allait souvent voir l’aquarium, où les poissons étaient moins bien gardés que les autres animaux. Il s’amusait à changer les étoiles de mer de couleur, à faire danser les poissons dans une sorte de ballet féerique. Il pouvait rester des heures à les observer se mouvoir gracieusement à rire lorsqu’ils se cognaient ou à s’émerveiller de leurs pirouettes exécutées avec rythme et élégance. C’était son petit jardin secret à lui. Il était encore trop naïf pour se poser de réelles questions sur la signification de cette sorte de… magie.

C’est alors qu’un jour ses parents le laissèrent se faire enlever sans rien pouvoir faire. Cleos se souviendrait toujours des larmes de terreur qui dévalaient les joues de son père, et des cris de sa mère alors qu’une force mystique les plaquait au sol. Un homme, probablement un demi-géant le portait par-dessus son épaule, comme un balluchon. Alors qu’il marchait vers le centre du jardin pour pouvoir transplaner, son ravisseur grommelait : « Quand est-ce donc que l’on en finira avec les mauvaises herbes comme vous ! » Le cœur de Cleos battait à cent à l’heure. A peine s’il était triste de quitter sa maison et sa famille dont il n’avait gardé que le nom. C’était le début de la grande aventure qu’il avait tant attendue. Son destin était en route. Il allait enfin pouvoir vivre. Enfin. « On va où m’sieur ? » Lança-t-il alors qu’il se balançait dans le dos de l’homme et que le sang commençait à lui monter à la tête. Il savait. Ses pouvoirs. C’était ses pouvoirs ! C’était pour ça. « Je t’amène voir les autres comme toi. » Il allait rencontrer d’autres enfants. Il allait se faire des amis. Il quittait enfin le château. Il trépignait d’impatience. Impossible pour Cleos de quitter son sourire.


Impossible pour Cleos de sourire. Comme un animal en cage, il était exposé aux yeux du monde. Les « sorciers » passaient devant lui, l’observaient attentivement et échangeaient parfois quelques mots avec lui. Impossible de faire bonne figure comme on le lui recommandait. Il savait qu’il ferait mieux d’être acheté pourtant que d’être pour toujours ici. Certains lui disaient qu’il était passé du rêve au cauchemar. Ils n’étaient peut-être pas si loin de la vérité, alors qu’il n’avait eu de cesse de penser par le passé que sa condition n’aurait pas pu être pire. Il avait été prêt à tout quitter pour changer de vie, pour être plus libre. Balivernes. Il était toujours prisonnier. Mais alors qu’il avait tout, une famille, une maison, de l’argent… Il n’avait plus rien. Enfin, ne soyons pas si pessimiste : il avait tout de même une sorte de tunique en vêtement, issu probablement d’un vieux sac de pomme de terre. Il n’avait pas pris de douche depuis plusieurs jours. Lui qui avait toujours voulu connaître d’autres gens de son âge, il était servi. Ils avaient tous une dizaine d’années, comme lui, et étaient tous aussi maigres, aussi sales, aussi misérables. Mais il ne s’entendait pas avec eux. Au contraire : ses manières et sa façon de s’exprimer plus que prétentieuse avait vite fait de l’éloigner des autres gamins. Ne supportant pas qu’on ne rit à son nez, il avait commencé à jouer des poings et à semer la zizanie parmi le camp d’enfants, puis finalement d’être changé de camp pour son sale caractère de meneur.

Cleos rageait face à tant d’injustice. Ils avaient tous fait l’erreur d’être mal né. Un enfant de pouvoir dans une famille sans pouvoir. Voilà où ça l’avait mené. Comment avaient-ils su ? Il n’en n’avait parlé à personne. Même la condition plus qu’avantageuse de Wright n’avait pas suffi à rendre sa liberté à Cleos qui était au plus bas dans ce monde. Apparemment, l’esclavage n’était pas interdit partout au Royaume Uni.

«Comment t’appelles-tu gamin ? » Cleos cracha au sol, l’homme n’éloigna pas pour autant. « Tu m’intéresses. Tu es assez musclé pour ton âge, même si je pense qu’on peut mieux faire, ça se travaille. Tu faisais du sport ? » « Je vous emmerde. » « Je vois que vous avez le sens de la courtoisie. » « Je vous emmerde cordialement. » Grommela-t-il en lui lançant un regard électrique, un regard de chien enragé. L’homme tenait son menton entre son pouce et son index. Il semblait peser le pour et le contre. Il s’adressa à un gardien non loin avec qui il avait discuté au préalable : « Vous êtes sûr que c’est le plus fort que vous avez ? J’ai besoin d’un gosse avec beaucoup de forces, or celui-ci est tout maigre. » Prêt à tout pour vendre le casse-couille de service, l’homme à la charge de Cleos rajouta précipitamment : « Ils sont tous comme ça ici. On a dû envoyer aux urgences plusieurs autres esclaves par sa faute. Ne sous estimez pas les apparences. Il est vraiment féroce, il a une sacré poigne. » Ils continuèrent ainsi à argumenter pendant plusieurs minutes et il n’en fallut pas plus pour qu’une décision soit prise. « Je l’achète. » Décréta-t-il, enfin. La porte grillagée s’ouvrit ; on défit les menottes qui rougissaient les mains du détenu ; la vie de Cleos prit alors un tournant décisif.

Il passait la journée à porter les lourds cartons de M. Sanders, un vieux sorcier retraité de sang pur, collectionneur d’objets antiques. Ceux-ci prenaient énormément de place dans les hangars que possédaient le vieil homme, et qu’il n’avait de cesse de vouloir remplir, voyageant au gré de ses envies, ramenant toute sortes d’objets que Cleos transportait docilement d’un entrepôt à l’autre. Pas un jour ne passait sans qu’il ne décide d’acheter une vieille voiture moldue (que Cleos devait démonter ET remonter) ou une espèce de tourne disque magique. En plus de servir de transporteur personnel, il devait également prendre loin des objets, tout en faisant les tâches domestiques que réclamaient tout maître ordinaire. Honnêtement, Sanders était un bon maître. Il donnait de bonnes portions de nourriture à Cleos, qui n’avait pas à se plaindre de ce côté-là. Il n’était pas trop dur avec lui, il ne lui criait jamais dessus. Mais Cleos n’était pas un bon esclave pour autant. Il n’avait jamais été habitué à se faire écraser de la sorte, à se voir donner des ordres, lui qui avait pour coutume de se voir servir ses petits déjeuners sur un plat d’argent. Il bouillonnait, et il le faisait savoir. Il avait l’habitude de ronchonner, de bouder les tâches les plus ingrates. Il répondait sarcastiquement, il se rebellait quelque peu, mais il finissait toujours par exécuter les ordres. Pas parce qu’on le lui ordonnait. Non, Cleos se plaisait à penser qu’il ne faisait ça que parce que Sanders lui faisait pitié, qu’il ne pouvait pas l’abandonner. Mais au fond il savait que c’était faux. Il était piégé. Il n’avait pas le choix. On pouvait le tuer pour ça.


Il se prenait parfois à rêver de son ancienne vie, qui avait tout du conte de fées à côté. Il ne voyait pas plus de monde qu’avant, mais il avait au moins en Ecosse les animaux. Ses parents, même s’ils s’en fichaient pas mal de lui, sa famille. Quelle vie minable avait-il, désormais. Il avait tellement honte d’être réduit à ça. Il avait rêvé d’un monde extérieur plein de mystères, de surprises, d’aventures. Il n’en n’avait pas voulu, de cette injustice. Il n’avait pas voulu être coincé dans un 100m2 à satisfaire les moindres désirs d’un satané barbu féru de vieilleries inutiles. Parfois, il se défoulait. Il cassait de la porcelaine dans l’entrepôt de Sanders, il mettait feu à des cartons avec pour seul plaisir de les voir se consumer. Il allait frapper les esclaves du quartier dès qu’il avait un peu de temps pour lui. Il mettait de la terre dans le thé du monsieur, pour sa petite vengeance personnelle.  Il l’insultait dans son dos, s’occupait mal de ses invités. Il était nonchalant, détestable, irritable, imbuvable. Mais Sanders le gardait quand même. Il ne parlait pas beaucoup. Il était un peu prétentieux et maniéré sur les bords, mais pas orgueilleux. Les sales manières du garçon l’amusaient plus qu’autre chose. Et jamais, il n’avait haussé le ton sur lui.


Il s’était éclipsé pendant la nuit. Sanders dormait à poings fermés depuis une heure. Cleos était allé retrouver Jasmine -qu’il surnommait affectueusement Jaz- dans un parc à quelques pâtés de maison des leurs. Leurs maitres étaient voisins et amis proches, ainsi ils avaient eu l’occasion de sympathiser alors qu’ils faisaient la vaisselle et autres tâches ingrates ensemble pendant une de leurs réceptions. Ils s’étaient trouvés plus de points communs qu’ils auraient pu l’imaginer.  Dès qu’ils avaient un instant de libre (et lorsque Cleos n’était pas occupé à se battre avec quiconque le provoquait) ils se promenaient, observaient les étoiles, parlaient de la vie, de leur passé, de leur futur. Jamais du présent. C’était bien trop douloureux. Mais une amitié profonde et sincère était née entre les deux jeunes adolescents de 12 ans.

Jaz avait le nez en l’air et semblait perdue dans ses pensées. Cleos profita de cet instant d’inattention pour la dévisager. Elle avait des origines atypiques, avec un petit accent, mais c’était mignon quand même. Jaz sentit son regard insistant. « Quoi ? » Lui demanda-t-elle, un peu gênée. Le garçon répondit distraitement, sans la quitter des yeux : « Rien. Je me dis que dans quelques années, quand tu seras une femme… tu seras peut-être très belle. » « Hein ? Donc tu insinues que je ne suis pas jolie ?! » Cleos émit un petit rire. Mais Jasmine ne sembla pas pour autant satisfaite de sa réaction et lui tourna le dos en grommelant quelque chose en libanais. Cleos avait beau dire ça sur le ton de la plaisanterie, il avait peur que sa beauté ne lui joue des tours. Il savait le sort qu’on réservait aux esclaves filles. Surtout celles un peu plus jolies que l’ordinaire. Et il ne souhaitait pas que ça arrive à son amie. Les heures passèrent et alors qu’ils allaient presque s’endormir sur l’herbe sèche ils décidèrent de se rendre à chez leurs maîtres respectifs. Jasmine prit une direction opposée à la sienne et Cleos marcha encore quinze bonnes minutes avant d’apercevoir le feu qui s’était emparé de toute la demeure.


Fasciné par la splendeur de l’incendie, dans la contemplation des meurtrières rouges et orangées,  il ne comprit pas tout de suite ce qui se passait. Ce ne fut qu’au bout de quelques minutes qu’il réalisa avec horreur que Sanders était probablement -plutôt certainement- à l’intérieur. Il fit le tour de la demeure, en vain. Toutes les ouvertures étaient condamnées. Sans baguette magique, ne sachant que faire, Cleos s’enfuit. Il pourrait changer de vie. Il pouvait vivre dans la rue. La mort de Sanders n’était que secondaire à côté de cette libération, de cette renaissance qui lui était accordée. Il courut longtemps. Il ne passa pas voir Jasmine, car il y avait un risque de réveiller son maître. Il reviendrait la voir le lendemain, quand plus personne ne le chercherait, quand tout le monde le croirait mort. Alors qu’il s’éloignait en regardant derrière lui pour voir  si les flammes s’éloignaient, il trébucha et perdit conscience.


« M. Vasirilis l’a trouvé inconscient dans la rue. Il nous a demandé de nous occuper de lui. Il a dit qu’il repassera plus tard pour discuter de son sort. » Cleos, à demi-conscient, les yeux clos, assistait à la scène sans bouger. Ses oreilles bourdonnaient et son bras lui faisait un mal insupportable –il était probablement cassé mais enveloppé de plâtre. « C’est un esclave. Je lui ai prodigué les premiers soins… » L’homme avait la voix qui tremblait.  « C’est fou ce qu’il me fait penser à Brandon… » Murmura-t-elle, alors que Cleos se rendormait.



- Comment t’appelles-tu, mon garçon ?
- Qui est ton maître ?
- Je n’en n’ai plus.
- Comment ça ?
- Il est mort avant-hier. Dans un incendie… Je…


Il n’avait pu leur mentir. Même s’il était d’un naturel méfiant, le choc de la mort de Sanders était encore tout récent. On avait confié le jeune garçon aux Hastings, qui l’avaient alors hébergé quelques jours, le temps qu’il se remettre de ses blessures. Cleos n’avait pas le choix. A chaque fois qu’il voulait se lever et qu’il envisageait de s’enfuir, la douleur revenait plus forte que jamais. Ils lui fournissaient des calmants et comprimés qui lui permettaient d’éloigner les cauchemars et de diminuer ses crises d’angoisse. Il avait longtemps détesté Sanders. Mais il n’était pas sans cœur au point que cette perte ne l’affecte pas. Souvent, il voyait les Hastings s’éclipser et murmurer dans leur coin, quelques larmes coulaient parfois sur leurs joues. D’autres fois, un homme étrange venait et discutait avec eux –ça paraissait vraiment sérieux. Pour Cleos, c’était des barjos, c’était simple. Cleos allait bien, ce n’était qu’une question de jours. Ils le connaissaient à peine… Pourquoi le regardaient-ils avec tant de tristesse ? Qu’allaient-ils faire de lui lorsqu’il se porterait mieux ?

« Que dirais-tu de faire partie de notre famille ? » Mme Hastings lui avait balancé ça de but en blanc. Cleos avait écarquillé les yeux. Il écouta alors le récit des parents, qui, émus, semblaient lutter pour ne pas verser quelques larmes. La maladie avait emporté leur fils unique, le jour où un Vasirilis découvrit Cleos au sol. Il venait de quitter le domicile des Hastings pour leur présenter ses condoléances. C’était une famille modeste, sans prétention, qui vivait au jour le jour et qui, révoltée par la hiérarchie du sang, soutenaient pleinement les Vasirilis.  Leur grand cœur ne lui laissa pas le choix : il fallait l’aider, coûte que coûte. « Personne ne sait que tu n’es pas mort, n’est-ce pas ? » Demanda Mme Hastings avec douceur. Cleos secoua la tête. Il commençait à comprendre là où elle voulait en venir.  On n’a pas pu sauver Bran. Mais on peut encore te sauver toi.

Bran mit quelques jours à réfléchir. C’était la rue, ou une vie de sorcier ordinaire. C’était la misère ou la renaissance.  « Je voudrais dire au revoir à quelqu’un. » Cela faisait à présent deux semaines que Sanders était mort. Deux semaines qu’il n’avait pas vu Jaz, sa seule amie. M. Hastings fit une grimace. « Je crains que ça ne soit trop dangereux. » Ils avaient passé la mort de Brandon Hastings sous silence au niveau du ministère de la magie et le lendemain de la décision de Cleos ils décidèrent de déménager en France. Par miracle vous avez des traits en communs, avait dit Mme Hastings. Mais nous ne pouvons faire confiance à personne ici. Même si les Vasirilis nous approuvent… on n’approuverait pas. On nous traiterait de fous. On nous enfermerait à Ste Mangouste, et même Azkaban, ciel ! On nous dénoncerait à la famille royale. Il est temps de quitter l’Angleterre quelques temps. C’est le cœur serré mais porté vers l’avenir que Cleos –que l’on appellera désormais Brandon- attrapa la main de ses nouveaux parents et monta dans le magicobus.


Ils étaient incapables de l’appeler Brandon. Ses parents s’étaient limités à Bran. Et c’était comme ça que tout le monde l’appelait. Après tout, ils ne l’avaient pas adopté pour remplacer Brandon. Ils ne l’avaient pas adopté pour lui donner l’amour qu’ils avaient en trop. Enfin, peut-être bien quelque part, mais ce n’était qu’en partie la raison de cette adoption. Ils l’avaient adopté pour l’observer, comme une bête dans un laboratoire. Pour la cause juste et bonne des Vasirilis, qui prônait l’égalité. Pour une expérience. Un esclave ayant une vie normale. N’était-ce pas réjouissant ? On venait régulièrement lui poser des questions, évaluer son niveau de magie. Voir si sa vie n’était pas trop conditionnée par son statut de sang. C’était humiliant. C’est typiquement le genre de pensées qui le rendaient malade et qui l’empêchait d’adhérer pleinement aux idéaux des Vasirilis, qui avaient l’air si bons quand les Hastings lui en parlaient. Comme si on pensait un instant que la génétique était pour quelque chose. Un an après son adoption, après avoir appris tout ce qu’il y avait à savoir sur sa nouvelle vie, sur les sorciers, sur le français, Bran avait fait son entrée à Beauxbâtons en toute discrétion.

Mais ce ne fut que de courte de durée. Il éveillait beaucoup de soupçons, de par son attitude très réservée, agressive, un peu moldue sur les bords. Il était assez turbulent, refusait de se plier aux règles imposées. Son orgueil était sacrément mis à l’épreuve. Beauxbâtons lui rappela vite la cage dans laquelle il avait passé de nombreuses années.

Au bout d’un an et demi, après de sérieuses discussion avec le directeur, les Vasirilis lui permirent un transfert dans une école en Grèce, où il était assisté d’un traducteur et prenait en parallèle des cours de grec à la maison. Son comportement ne s’étant pas amélioré depuis -sa bonne volonté non plus- il se battit avec son assistant et redoubla un an… puis deux.

On finit par lui assigner des cours à la maison, avec un professeur personnel. Mais ce n’était pas ce qui voulaient les Vasirilis. Un des enjeux clefs de cette étude était quand même de savoir comment un esclave se comportait en société et réussissait dans le milieu de la magie. Pas de lui enseigner coûte que coûte l’histoire de la magie et l’arithmancie. Ils allèrent dans un village discret du pays de Galles entièrement sorcier, où Bran pourrait se balader de son plein gré. Les années passèrent. A force de sanctions Bran apprit à se contrôler, à se faire des amis parmi le club de quidditch ou de duel du quartier. Il s’assagissait, il acceptait sa nouvelle vie qui était de loin la plus agréable de ses précédentes. Sa famille d’Edimbourg ne lui manquait plus vraiment. Le camp d’esclave encore moins. Il avait presque oublié Sanders et Jasmine. La langue avait été une sérieuse barrière toutes ces années, qui l’avaient empêché de se mélanger aux autres. Il préférait de loin vivre sa vie en Angleterre, là où tout le monde le comprenait et où il n’était pas directement marginalisé.


Juillet 2014. Bran reçut deux lettres. Dans l’une on lui annonçait qu’il avait été accepté à l’école de sorcellerie du nom de Poudlard. Dans l’autre, on lui expliquait qu’il était temps de passer à l’étape supérieure du contrat.