CAVE DES EACHAIN - SEPTEMBRE 2001.
Ses petits petons foulent le sol froid et parsemé d'embûches. Chaque racine, chaque petit caillou, chaque épine de sapin lui pique la plante des pieds mais il n'en a que faire, il continue, il accélère et offre son visage au vent frais qui agite ses boucles brunes. Il court. Il ne s'arrêtera jamais. Il est bien. Si bien. Loin de la réalité dure, froide et morose qui s'est installée dans leur vie et imprègne maintenant les murs la petite masure qu'ils habitent. Loin des pleurs de sa tendre mère qui n'arrivera sans doutes jamais à recoller les morceaux de son coeur brisé par l'enflure qui lui sert de géniteur, loin des insultes, des crachats, des regards belliqueux, des rires mauvais et des coups qu'il reçoit lorsque accompagné d'Alcide il tente de s'acheter une justice par la force de ses petits poings. Eachain. Bâtards. Souillures. Pourritures. Ces mots, ces insultes crachées avec haine et férocité, Mikhael les hait plus que tout au monde. Il hait le sang qui coule dans ses veines, cette part de soi-disant pureté en lui qui lui gâche sa vie et hait encore plus les personnes qui se permettent de faire une remarque dessus. Cet héritage, c'est son fardeau, celui de son frère Alcide et ça ne concerne personne d'autre qu'eux. Alors, il ne cesse de courir pour échapper à la réalité. La tête dans les étoiles, à bout de souffle il est heureux. Ces promenades et ces jeux nocturnes qu'Alcide et lui ont très vite inventé pour, le temps d'une nuit, échapper à la réalité est ce qui lui donne l'envie de continuer et ce qui maintient une certaine part de candeur en lui. Grace à ces jeux dans la forêt qui borde leur petite maison, les jumeaux redeviennent le temps d'un instant des petits garçons normaux, heureux, vivants et joyeux. Aujourd'hui Alcide n'est pas là pourtant, trop malade pour accompagner son frère, ce dernier lorsqu'il le vit assoupi et encore fiévreux ne prit pas la peine de le réveiller. Et si avec Alcide ces moments passés dans la nuit noire et entre les cimes silencieuses des arbres sont tout simplement magiques, ce soir les étoiles et la lune lui tiennent compagnie. Un rire s'échappe de ses lèvres, il ralentit, lentement, gentiment avant de finir sa course à la lisière de la forêt. Haletant, il laisse ses yeux glisser vers sa maison. Un sourire fend ses lèvres. La vie n'est pas tousles jours facile et pourtant, il le sait, il est heureux. Heureux d'avoir Alcide pour l'épauler, heureux d'avoir une mère si courageuse et heureux de pouvoir au moins utiliser ses poings et ses pieds pour punir ceux qui osent l'insulter. C'est d'un pas lent qu'il s'approche de la masure, prêt à se glisser silencieusement sous sa couette, à guetter Alcide du coin de l'oeil pour s'assurer qu'il est guéri avant de se laisser aller dans les bras de Morphée. Et puis soudainement, un nuage passe cachant la lune. Le tableau s'obscurcit et les étoiles disparaissent. Il sent un souffle dans son dos. Ses yeux rencontrent une paire d'yeux jaunes. Un cri. Il n'a pas le temps de faire un pas que la bête de jette sur lui, gueule grande ouverte. De ses lèvres un seul et unique hurlement s'échappe et à lui s'y joint un hurlement de bête. Un hurlement de loup. Un hurlement de monstre. Et soudain, tout devient noir.

C'est dans un sursaut que Mikhael revint à lui, le coeur battant la chamade. Désorienté, le jeune homme s'agita sur un sol dur et humide, le moindre de ses mouvements accompagné de cliquetis métalliques. Ses yeux glissèrent le long de ses bras tuméfiés et s'arrêtèrent au niveau de ses poignets où deux chaînes y étaient solidement attachées. Soudainement, tout lui revint. Malgré ses supplications, ses cris et les larmes de peur qui inondaient son visage, sa mère et son frère le firent entrer de force dans la cave, l'enchaînèrent et refermèrent la porte derrière eux avant de la sceller à coup de sortilèges. Il eut beau crier, frapper et hurler il finit par prendre conscience de ce qui était en train d'arriver lorsqu'un rayon de lune argenté filtra à travers la minuscule fenêtre. La première transformation depuis sa morsure et il n'avait absolument aucun souvenirs de ce qu'il avait vécu durant la nuit. Il pouvait seulement constater le mal qu'il avait infligé à son propre corps. Griffures, hématomes, sa peau était tuméfiée et boursouflée sur chaque centimètre carré d'épiderme. Un hurlement de monstre lui revint à l'esprit et fit trembler son corps tout entier. Fébrile, fragile, le coeur au bord des lèvres, totalement épuisé et dégouté Mikhael se laissa retomber sur le sol froid et dur. Il ferma les yeux et pria, fort, fort fort, pour que tout ceci ne soit qu'un cauchemar. Pourtant, tout ceci était la réalité, pure et dure et la nuit dernière, le jeune homme avait entamé sa transformation, la nuit dernière, le jeune homme avait abandonné son humanité pour se transformer en monstre.


AU DETOUR D'UN COULOIR, POUDLARD - AVRIL 2010.
Bougon, l'oeil noir et dans un soupir exaspéré, Mikhael referma sèchement le livre qu'il avait posé devant lui avant de fourrer avec une certaine rudesse le parchemin où il avait tenté de griffonner quelques mots dans son sac et quitta la bibliothèque d'un pas pressé. Avec la pleine lune qui arrivait il était impossible pour le jeune homme de rester serein et de se concentrer même pour faire un devoir qui, en temps normal ne lui aurait pas pris plus d'une demi-heure. C'était chaque fois la même chose. Alors que dans le ciel noir, la lune devenait de plus en plus grosse et de plus en plus ronde, l'humeur du jeune homme elle s'assombrissait. Stressé, dégouté et épuisé, il assistait impuissant à la métamorphose bien trop rapide à son goût de l'astre de la nuit qui empoisonnait non seulement sa vie mais aussi son sang. Si cette épreuve était particulièrement pénible et dure pour le jeune homme, elle l'était aussi pour ses proches et ses amis qui devaient subir ses sauts d'humeur et ses regards sombres et ça, Mikhael en était conscient. Si le jeune homme ne se gênait jamais de fusiller les sang-purs du regard lorsque ceux-ci l'exaspéraient ou le méritaient parce qu'ils agissaient tout simplement comme de sombres crétins, le jeune homme prenait toujours un grand soin de rester seul les deux jours précédant la pleine lune pour éviter de déverser sa rage sur ses amis ou même de cogner trop fort un sang-pur et de perdre le contrôle car ce scénario le terrorisait. Ce n'était pas les coups ou même la douleur qu'il pourrait causer à un sang-pur impoli et trop sur de lui, tout ceci généralement l'indifférait totalement. Non, ce qui l'effrayait c'était l'idée qu'il puisse à quelques jours de sa transformation, laisser l'instinct animal qui sommeillait constamment en lui prendre le contrôle et totalement briser un élève. Aussi répugnant que pouvait l'être la presque totalité des sang-purs, Mikhael n'avait jamais prévu d'en tuer un par la force de ses poings. C'est donc d'un pas vif qu'il franchit les portes de la bibliothèque et déboucha dans un couloir avec l'idée de rentrer le plus rapidement possible à la salle Commune ou pourquoi pas d'aller faire un rapide tour dans le parc pour prendre l'air. Ses plans tombèrent pourtant bien vite à l'eau lorsqu'il entendit son nom résonner dans le couloir. Pressé et très peu enclin à papoter, Mikhael ne prit même pas la peine de se retourner pour voir ce qu'on lui voulait ou même à qui cette voix inquiète appartenait. L'élève pourtant tenace eut vite fait de le rattraper et de poser une main sur son épaule, si bien qu'à contre coeur, l'aigle se retourna enfin. « A... Al... » Surpris, Mikhael arqua un sourcil et scruta le visage rougit d'Isak, le très bon ami d'Alcide. Essoufflé par sa course le garçon était plié en deux et peinait à s'exprimer. « Alcide a des problèmes. » Des problèmes, Alcide en avait tout le temps et si ce n'était pas lui c'était Mikhael. Les jumeaux Eachain étaient connus dans le château par tous les élèves et les professeurs pour les affronts qu'ils osaient commettre et pour le nombre de punitions qu'ils avaient déjà reçu. Rien n'y faisaient, les coups et les sermons pouvaient bien pleuvoir, aucun des deux garçons ne pouvaient s'empêcher de provoquer un sang pur ou pire, de parfois prendre la défense d'un né moldu maltraité. Pourtant, cette fois-ci au ton alarmant qu'avec utiliser le Poufsouffle, Mikhael su que quelque chose de grave se passait parce qu'en général soit il était au côté de son double et s'assurait de frapper le premier ceux qui osaient les menacer, soit il allait le retrouver après le carnage à l'Infirmerie pour prendre le nom des personnes qui l'avaient touché. Sans réfléchir, le jeune Eachain repoussa toutes les barrières qu'il s'était posé ces deux derniers jours et suivit Isak au pas de course dans le couloir. En quelques secondes ils arrivèrent sur le champ de bataille. Rapidement, Mikhael analysa la situation. Il y avait des sang-purs, beaucoup de sang-purs et face à eux, un Alcide en très, très mauvais état. Jamais, Mikhael n'était sorti autant amoché d'une altercation avec des sang-purs et le temps d'une fraction de seconde, le jeune homme songea à ce que son frère pu bien faire pour se retrouver ainsi. Puis soudain, il vit son double s'écrouler sur le sol lorsqu'un élève lui balança son poing en pleine figure. Si il n'était pas rare que certain sang-purs usent et abusent de la violence sur les né moldus et certain sang-mêlés, ils n'appréciaient pas qu'on leur résiste or Alcide ne courbait jamais l'échine et des coups pareils Mikhael en avait déjà reçu lui aussi. Pourtant, cette fois-ci fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Sans réfléchir une seconde de plus, Mikhael se jeta forcement sur l'élève qui venait de toucher son frère en poussant un cri bestial. Puis, tout se passa trop rapidement. Fou de rage, il frappa, une, deux trois fois. Déchaîné, il laissa toute la colère et la fureur emmagasiné sortir dans les coups qu'il assénait au garçon et qu'il avait retenu toutes ses années. Les insultes, les punitions, les horreurs qu'il vit infligé à une pauvre esclave l'autre jour. Ce monde l'écoeurait, ce monde lui foutait la nausée et il souhaitait le gueuler sur les toi à en crever. Il les haïssait tous, sans aucune exception. Leur sang soi-disant pur ne valait rien, strictement rien maintenant qu'il le voyait sur ses poings crispés. Leur monde, il allait y foutre le feu en espérant que chaque sang-pur extrémiste et royaliste de ce château y passe, crève et hurle à la mort. Ils pourraient le punir, le frapper ou même le torturer autant qu'ils le voudraient, désormais il s'en moquait. Ils ne le briseraient jamais. Leur monde, il allait le réduit en cendre.


BIBLIOTHÈQUE DE POUDLARD - JANVIER 2013.
Mikhael ferma les yeux une fraction de seconde et prit une grande inspiration dans l'espoir de calmer et d'apaiser son rythme cardiaque. Car depuis que ses yeux avaient repéré sa chevelure incandescente aux mille reflets, son coeur se montrait aussi bruyant et peu discret qu'un troll des montagnes enragé. Le crétin d'organe battait d'ailleurs si fort dans sa cage thoracique que Mikhael aurait presque parié qu'Alcide, qui était assis face à lui, pouvait l'entendre. Et c'était chaque fois la même chose. Dès l'instant où il se trouvait dans la même pièce que la rouquine, un désir féroce et presque bestial s'éveillait en lui, comme si l'animal qui sommeillait en lui avait fini par trouver avec qui il finirait le restant de ses jours. Ce sentiment était stupide pensa-t-il, totalement stupide. Lorsqu'il ouvrit les yeux, automatiquement, ils glissèrent à nouveau vers la gracile silhouette de Faye Culwych qui se déplaçait silencieusement dans la bibliothèque très certainement à la recherche d'un livre. C'est finalement le chuchotement d'Alcide qui le fit revenir à la réalité et l'obligea à détourner les yeux. « Tu sais, j'ai réfléchi. » Mikhael poussa un léger soupire pour feindre l'agacement mais les commissures de ses lèvres légèrement relevées ne pouvaient tromper personne, surtout pas son frère jumeau qui le connaissait par coeur. Lentement, le jeune homme releva le regard et fixa quelques secondes son double comme si il fixait son propre reflet dans un miroir. C'était effrayant à quel point les jumeaux Eachain étaient semblables. Comme deux gouttes d'eau, de parfaites copies conformes l'un de l'autre et si les garçons savaient en tirer avantage, il arrivait que Mikhael soit encore frappé de plein fouet par cette si grande similitude entre eux, même leur cheveux semblaient boucler exactement aux même endroits. « Parce que ça t'arrive de réfléchir ? » Murmura-t-il du bout des lèvres pour se faire entendre uniquement d'Alcide. Si c'était déjà miraculeux qu'Alcide et lui arrivent à partager la même table à la bibliothèque et qu'ils étaient recalés dans un coin réservé aux sang-mêlés pour ne surtout pas déranger les Lords et les Milady de pacotille, ce n'était vraiment pas le moment d'hurler comme un phoque sourd, le jeune Serdaigle tenait à finir son travail et surtout, à voir Alcide terminer son travail. « Et bien figure-toi que oui, ça m'arrive. » Poursuivit Alcide, sans masquer le sourire taquin qui étira soudainement ses lèvres. « C'est une révolution qu'il nous faut. Rien d'autre. » Le sourire qu'arborait Mikhael s'effaça et avec toute la force dont il pouvait faire preuve il balança son pied droit dans la cheville de son frère. Si le jeune homme acceptait d'être puni pour l'arrogance dont il pouvait parfois faire preuve et si il avait un jour, songé à ne pas faire de jolie courbette devant une noble, il refusait de perdre sa tête parce que son imbécile de frère ne savait pas être discret. Pourtant, à cette idée il y avait déjà songé, des nuits entières jusqu'au jour où ça avait été une certitude pour lui. Dans murmures, des chuchotis apportaient la nouvelle à ceux qui osaient se soulever et dire non, des gens se soulevaient exactement comme eux, des gens s'activaient pour bâtir dès aujourd'hui un monde meilleur et Mikhael souhaitait plus que tout se battre lui aussi et si il avait l'occasion de se battre aux côtés de son frère, il ne pouvait en être plus qu'heureux. « C'est certain, ce système d'apprentissage est totalement nul, tu devrais tenter une vendetta pour que les devoirs ne soient qu'une option pour les premiers de la classe. » Murmura-t-il alors qu'un large sourire fleurit lentement sur ses lèvres. Avec ses paroles, il fut certain qu'Alcide le comprendrait et qu'aucune oreille indiscrète ne puisse interpréter les paroles du Gryffondor et qu'ainsi leurs têtes se retrouvent empalées sur des pieux et servent de décoration au roi. « Merci du conseil Mimi la mignonne. » Les joues du dénommé Mimi la mignonne s'empourprèrent à l'utilisation de ce surnom ridicule. « Vas chier Alcide. »