It isn't enough for your heart to break because everybody's heart is broken now.
La neige manquait. Il pleuvait. Beaucoup trop. Jamais je n’avais vu de manoir aussi sinistre, et pourtant le château sibérien n’était pas des plus réjouissants. Du haut de mes cinq ans, je passais mes journées à errer dans les couloirs interminables au hasard et à pousser les armures lugubres qui décoraient les salles sous prétexte que j’aimais le bruit cacophonique que leur chute produisait. Je détestais l’Angleterre et seule ma mère parvenait à me faire oublier l’absence de neige et du doux ronronnement de ma langue natale. Les petits Anglais ne me plaisaient guère. Je n’aimais que les bonbons. Et les chauves-souris. Mon élevage comprenait quelques espèces exotiques et chacune recevait un nom de ma propre invention. Evidemment, j’avais un domestique pour s’en occuper à ma place, mais j’aimais le regarder faire et, quand il savait que mon père n’était pas dans les parages, il m’apprenait à les soigner. Les jours où mes parents souhaitaient que je me mêle à la masse des enfants de mon âge représentaient le plus lourd fardeau de mon existence.
« Angliyskiy glupy » Les Anglais sont stupides. Malgré mes protestations, ma mère me laissa seul au milieu d’autres petits garçons d’aristocrates. Au bout d’une demi-heure à parler obstinément russe et de tirage de cheveux, je m’étais débarrassé de tous les prétendants à mon amitié. Pourtant, un d’entre eux était resté près de moi. Ou plutôt, il n’avait pas bougé d’un pouce, car il jouait seul depuis le début. Intrigué, je me rappelai comment parler anglais.
« Je peux jouer avec toi ? » Il parut d’abord surpris, puis sourit et répondit que oui. Plus tard, j’attrapai sa main et l’entrainai auprès de ma mère.
« Regarde, maman, j’ai un ami ! Kierrren ! » Je l’avais dit comme s’il s’agissait d’une nouvelle chauve-souris, ce qui la fit rire. Ou alors était-ce à cause de mon r un peu trop roulé qui ne rendait pas vraiment justice à son prénom. Mais après avoir posé les yeux sur mon camarade, elle l’examina un instant en silence, songeuse.
« Tu ne serais pas… » Ma mine réjouie trahissait l’impatience de retourner jouer et elle ne termina pas sa phrase, retrouvant son sourire pour nous ordonner d’aller nous amuser.
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« Zascha, mon ange… Viens là… » Je m’approchai de son lit qu’elle ne quittait plus depuis des mois. Elle caressa mes cheveux distraitement, comme à son habitude.
« J’aimerais que… » Elle ferma les yeux un instant, je devinai l’effort qu’elle devait faire pour faire un geste, simplement me parler.
« Oui ? » « Rapporte-moi des myosotis, d’accord ? » « Combien ? » « Le plus possible. » J’avais dévalé l’escalier jusqu’à l’entrée du manoir, traversé le parc pour atteindre le bosquet où les myosotis s’épanouissaient depuis toujours. J’en cueillis le plus possible, en en glissant quelques-uns dans mes boucles blondes, consciencieux pour mener à bien la mission qu’elle m’avait confiée. Lorsque mes petites mains ne purent en tenir davantage sans les abîmer, je courus jusqu’à la maison, perdant quelques brins en route, montai les escaliers quatre à quatre et découvris, barrant la porte, Igor, le majordome. Je me figeai. A l’intérieur de la chambre, j’entendais les voix étouffées du médicomage et de mon père. J’avançai de quelques pas. Igor me dit que je ne pouvais pas entrer.
« Pourquoi ? » « Vous ne pouvez pas entrer. » Tremblant, je serrai les fleurs entre mes doigts.
« Laisse-moi entrer. » Il refusa. Je parlai plus fort. Il ne bougea pas. Je me mis à crier et à le frapper de mes poings d’enfant, causant une pluie de pétales. Les larmes inondèrent mon visage. Il attrapa fermement mes poignets, entravant tous mouvements alors que je me débattais et hurlais que je voulais voir ma mère. La porte s’ouvrit. Mon père m’arracha aux mains d’Igor et me traina violemment à l’intérieur. Le drap recouvrait son visage. Libéré de son étreinte, je m’approchai et tirai sur le drap, son bras tomba dans le vide, sa main pendante, inerte. Mes sanglots cessèrent alors que je regardai son visage paisible. Elle s’était endormie. Je lâchai les fleurs détruites sur le sol et frôlai sa main. Elle était encore chaude. La vue brouillée, j’enlevai les quelques myosotis intacts de mes mèches et vins fleurir sa longue chevelure blonde. Je demeurai debout, sa main dans la mienne pendant une éternité. Ses doigts devinrent tièdes. Froids. Glacials. Bientôt, la nuit chassa le jour. Exténué, je me roulai en boule sur le tapis, à côté d’elle, sombrai dans les limbes du sommeil. A l’aube, elle avait disparu. Je ne la cherchai pas.
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Une nouvelle lettre était arrivée. Je caressai distraitement l’enveloppe, sans l’ouvrir. Je savais que mon père allait débarquer d’une minute à l’autre pour la déchirer et incendier jusqu’à la dernière particule de papier. Je ne voulais plus avoir la frustration de ne pas lire la fin. J’avais pleuré. Beaucoup trop. Il me semblait que mes yeux s’étaient asséchés, que mon regard ne pouvait plus être que froid et désabusé. J’avais perdu toute envie. De manger, de rire, de pleurer, de me battre. Je vivais comme une ombre. Mon père était la seule personne qui me restait et je ne voulais pas de cet homme qui m’avait privé de tout. Les premières semaines après sa mort, je lui avais reproché son manque d’accablement. Il ne s’était jamais départi de son air digne et hautain, n’avait laissé transparaître aucune émotion qu’aurait dû lui causer la perte de son épouse. Dans un de mes accès de rage, il déclara sèchement qu’il avait
vu qu’il n’y avait plus rien à faire pour elle des mois auparavant, il n’avait donc rien fait pour la sauver. Il observa attentivement ma réaction. Il espérait que mon don de voyance se soit finalement manifesté. L’amertume m’envahit et je quittai la pièce. Il détestait l’idée que ce don héréditaire s’éteigne avec sa progéniture. Moi je trouvais qu’il le méritait bien. Ses pas résonnèrent dans le couloir et il entra dans ma chambre. Je lui tendis la lettre avec désinvolture, il l’attrapa brusquement.
« Tu ne lui as pas dit que nous partions ? » Je ne répondis pas. A quoi bon ? Pour qu’il m’envoie des lettres que je ne pourrais toujours pas lire ?
« Ta mère n’avait pas conscience de l’importance des relations. Un fruit pourri et c’est le tout qu’il faut jeter. » Il claqua la porte. Je soupirai. Ren me manquait. Je m’étais réfugié chez lui pendant quelques jours, dès le lendemain de sa disparition. Il m’avait apporté tout le réconfort qu’il avait pu. Je m’étais montré incapable de dire quoi que ce soit. J’avais seulement inondé son épaule de mes larmes pendant des heures durant. Je dus rentrer chez moi. J’eus droit à une gifle et une interdiction d’adresser la parole à Kieren Hawk. Je revis Ren deux ou trois fois, mais, inconsciemment, je m’étais déjà éloigné de lui. Je ne voulais pas lui avouer les ordres de mon père, ni son grand projet de retourner vivre en Russie. Je n’arrivais pas à lui expliquer la douleur de perdre sa mère. Je ne pouvais pas. Petit à petit, je me persuadai qu’il ne pouvait pas comprendre ce que je ressentais. Mon père menaça de me déshériter si je le revoyais. Je cessai de le voir. Je reçus plusieurs lettres. Elles me rendirent malades, au début. N’étais-je plus qu’un être insensible qui abandonnait ses amis les plus chers au moindre commandement paternel ? Était-ce ce comportement cruel que ma mère m’avait appris ? Pourtant, je devins cet être distant, blasé, dépourvu de toute émotion si ce n’est une colère muette. Et j’oubliai que quelque part en moi battait encore un cœur.
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Mon rêve de devenir un grand sorcier avait disparu depuis deux ans déjà lorsque vint le temps d’entrer à Poudlard. J’avais retrouvé la Russie, ses paysages enneigés et ses lacs glacés, avec bonheur. Pouvoir parler russe était en soi un soulagement puisque je ne devais plus entendre mon horrible accent en anglais. Sachant que rien ne pouvait excuser mes actes envers Kieren, j’essayais d’occuper mon esprit l’essentiel de mon temps pour ne pas y penser, et faisais l’inventaire de mon héritage quand, inévitablement, il me revenait à la mémoire. Je m’étais entouré d’adolescents excentriques de petite noblesse que mon père jugeait acceptables avec qui je passais mes journées à ne rien faire à part arpenter les steppes sibériennes. Mes camarades russes allaient à Durmstrang, car ils venaient de familles plus modestes, bien que riches, que la mienne. Mon père avait bien tenté de m’initier aux bases de la magie, mais son insuccès ne consternait que lui. Je me savais trop oisif et paresseux pour développer de quelconques capacités en sorcellerie, je n’en n’avais tout simplement pas l’envie. Depuis que ma mère était morte, plus rien n’avait vraiment de sens à mes yeux et je préférais consacrer mon temps aux bêtises et aux amours juvéniles. Pour toutes ces raisons, il était hors de question que j’aille à Poudlard. Mon père ne revint pas sur sa décision de m’envoyer dans la prestigieuse école anglaise jusqu’à ce que ma mesquinerie ne dépasse la sienne. Il me suffit d’évoquer le déshonneur qui allait s’abattre sur une famille aussi irréprochable que la nôtre lorsque la haute société aurait eu vent de mes maigres aptitudes en magie et de mon assiduité inexistante. J’allai à Durmstrang avec les autres, sept années qui ne firent que confirmer ma médiocrité, même si mon sourire permanent à l’intention de mon père lui intimait que tout cela n’était qu’une mascarade destinée à le contrarier. Il n’avait pas tort sur ce point.
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J’avais dix-sept ans quand Kharitina Volodine et Yuliya, sa fille de quatorze ans, entrèrent officiellement dans la famille. Mon père avait décidé qu’il était temps pour lui de se remarier et il dénicha quelqu’un de suffisamment détestable pour lui convenir. Je n’accueillis pas la nouvelle avec beaucoup d’enthousiasme, évidemment. Personne n’avait le droit de remplacer ma mère, ni pour moi (ce qui ne risquait pas d’arriver), ni pour lui (ce qui était en train d’arriver). Kharitina avait le caractère le plus abject qui soit et ne semblait vivre que pour tyranniser les domestiques du château.
« Pourquoi Zascha ne va-t-il pas à Poudlard, comme tout sorcier qui se respecte ? » Je lançai un regard dédaigneux à ma demi-sœur. Nous ne nous voyions que pendant les vacances, heureusement.
« J’espère que tu vas t’étouffer avec ta salade. » « Et toi que tu vas te noyer dans ta soupe. » La routine pour un dîner en famille au château. Nous nous pourrissions mutuellement le peu de jours de loisir qui nous était octroyé.
« Cessez vos enfantillages. » Tout redevint désespérément calme dans la salle à manger beaucoup trop grande pour quatre personnes qui ne se parlaient quasiment jamais, à part dans les soirées mondaines pour donner l’impression d’une famille unie. Yuliya fréquentait Poudlard, contrairement à moi. Sa mère, veuve d’un grand aristocrate sérieusement atteint, y avait tenu. Mon père n’y avait vu aucune objection. Après tout, il devait déjà avoir assez honte comme ça de m’avoir envoyé à Durmstrang, cédant à mon chantage. Je les haïssais, elle et sa mère, d’autant plus que j’avais surpris quelques conversations déplaisantes entre Kharitina et mon père. Elle voulait à tout prix qu’il accorde le nom de Novasevic à Yuliya, mais derrière ses bonnes raisons, je savais qu’elle ne pensait qu’à mon héritage. Ma défunte mère, d’une bonté sans égal, avait suggéré dans son testament que je devrais partager ce qui me venait d’elle avec tout enfant que mon père aurait avec une autre femme. Kharitina savait très bien que je respectais ma mère plus que tout et ne m’opposerais jamais à ses dernières volontés et que, même si je refusais, mon père me forcerait la main. Ce dernier n’avait pas accepté pour l’instant, souhaitant que Yuliya fasse ses preuves. Cela n’empêchait pas ma belle-mère de revenir à la charge dès qu’elle le pouvait.
« Et pourquoi le laisse-t-on perdre son temps à jouer du violon ? Il n’y a rien de plus stupide que la musique. » Yuliya venait une nouvelle fois de rompre le silence du dîner. Mes mâchoires se crispèrent en entendant l’affront qu’elle me faisait. J’attrapai ma baguette, la glissai sous la table et, sans bouger, les dents serrées, je murmurai :
« Incendio. » Yuliya se leva brusquement, d’abord alarmée par les flammes qui léchaient ses chevilles, puis absolument enragée, sachant très bien que personne d’autre que moi n’avait pu mettre le feu à sa robe. Sa mère, après avoir jeté un verre d’eau sur mon œuvre, lui plaqua une main sur la bouche et l’entraina dans une autre pièce. Il n’était pas convenable pour une jeune fille de cracher autant d’injures. Le violon était un sujet sensible qu’il ne fallait pas aborder avec moi. La musique était une des rares choses qui me passionnaient encore, avec mes chauves-souris. Je gardais précieusement tout ce qui pouvait me rattacher à mon enfance. Le violon appartenait à ma mère, qui, chaque soir, au lieu de me raconter une histoire, me jouait un morceau, pour mon plus grand ravissement. Elle m’avait un peu appris enfant, en cachette parce que mon père trouvait cela indigne de son fils, et j’avais poursuivi en autodidacte jusqu’à maintenant, puisque tout le monde jugeait mes loisirs frivoles et inutiles dans cette famille.
« Bien visé pour quelqu’un de ton niveau, Zascha. » Je posai mes iris interrogateurs vers mon père qui continuait à manger tranquillement malgré les récents émois. Je vis dans son regard que rien ne lui avait échappé et qu’il avait particulièrement apprécié la précision et l’aisance de mon geste. Irrité, je me levai de table et sortis.
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Un bruit de vaisselle cassée parvint à mes oreilles tandis que je descendais de la tour qui abritait mes précieuses chauves-souris, suivi des vociférations enragées de mon paternel. Je me précipitai au salon, sachant qu’il n’y avait qu’une personne assez maladroite dans ce château pour détruire tout un service à thé. Je n’avais acquis Issaï que depuis deux semaines et j’avais déjà utilisé le sortilège de réparation plus de fois que dans toute mon existence. Jamais je n’avais croisé un être aussi empoté et je me demandais bien ce qui m’était passé par la tête en l’achetant. Un relent d’humanité m’avait emporté en voyant le marchand qui le possédait le traiter comme un rat et le battre à la moindre occasion, car personne ne voulait devenir son maître. Je comprenais maintenant le comportement de ce marchand et je regrettais mon acte de justicier. Je n’avais jamais eu la fibre justicière. Après un bref coup d’œil à la situation, je m’interposai instantanément entre Issaï et mon père qui pointait sa baguette vers lui, prêt à lancer un sort bien plus douloureux qu’une faute pareille nécessitait.
« C’est mon esclave, père. » Il resta immobile, le visage empreint de fureur, comme s’il attendait que je m’écarte. Mais je demeurai obstinément planté devant mon esclave, mon regard impassible reflétant une conviction inébranlable. Issaï avait un atout de taille pour moi : je l’avais choisi moi-même et il ne rapportait pas tous mes faits et gestes à mon père, contrairement à mon ancien esclave.
« Je le punirai moi-même. » Il reprit son sang-froid alors que je poussais violemment Issaï à travers la porte. Une fois hors de vue, je levai la main vers lui, ce qui entraina un mouvement de recul de sa part qui s’interrompit aussitôt que je me contentai de lui tirer gentiment une mèche de cheveux. Je soupirai.
« Tu as de la chance que je sois trop fainéant pour t’infliger une quelconque torture, Icha. » Mensonge éhonté. Après avoir entraperçu certaines parties de son corps dénudé, j’estimais qu’il avait suffisamment de cicatrices pour toute une vie de servitude. Evidemment, je n’allais pas exprimer ma compassion à mon esclave, ça serait quelque peu déplacé, surtout que je n’étais pas un maître clément au niveau de la charge de travail. Tout ce que ma paresse m’empêchait de faire lui était refilé, y compris me déshabiller la nuit venue. Je n’avais aucune pudeur – qui en avait pour un esclave, de toute manière ? Mais il n’était pas question de le corriger lorsque sa maladresse lui collait à la peau ou de l’envoyer croupir dans d’autres lieux, comme le souhaitait mon père, ni de se montrer dédaigneux ou dégouté dès qu’il s’approchait. Et j’avais assez confiance en lui pour lui demander de rester dans les parages pendant les nuits d’orage, car sa simple présence me rassurait, tout en me rappelant parfois amèrement celui qui avait tenu ce rôle avant lui, de façon plus proche néanmoins – un petit garçon qui avait grandi trop loin de moi et que, sans le savoir, j’allais revoir bientôt.
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Je frappai deux légers coups sur la porte avant d’entrer sans attendre de réponse dans le bureau de mon père. Je venais d’achever ma septième année à Durmstrang. Un succès plus que mitigé. Il était debout dans la fenêtre, une posture théâtrale qui ne me plut guère. Il ne se retourna pas immédiatement en m’entendant arriver.
« Assieds-toi, Zascha. » Je restai au fond de la pièce et m’appuyai nonchalamment contre le mur. Cela faisait bien longtemps que je ne respectais plus ses ordres. Il soupira et fit volte-face, un sourire sournois aux lèvres.
« Bien. » Je le fixai de mon regard glacial, sans rien lui laisser deviner de mon questionnement intérieur. Il ne m’appelait plus dans son bureau depuis des années. Du moins, pas sans qu’Igor, notre fidèle majordome, ne doive insister pendant des heures, ce qu’il lui épargnait en s’adressant à moi t de manière moins formelle au dîner.
« Puis-je vous demander quel est le problème, père ? » Mon ton était froid et suspicieux, ce qui était toujours de rigueur avec mon père.
« J’ai deux nouvelles à t’annoncer. » Je bâillai pour l’inviter à continuer. Cela ne pouvait pas être pire que l’annonce de son remariage.
« Tu iras à Poudlard l’année prochaine, pour suivre le cursus que j’ai moi-même suivi. » Autrement dit,
Politique et justice du royaume, follement passionnant. Je me sentis légèrement nauséeux, mais, inexplicablement, je m’y attendais depuis quelques temps déjà et j’encaissai sans broncher. Je savais que tôt ou tard, je ne pourrais échapper à Poudlard en portant le nom de Novasevic. Je m’étonnais même qu’il m’ait laissé batifoler à Durmstrang aussi longtemps. Mes menaces de jeunesse, à bien y réfléchir, n’étaient pas si terribles que j’avais voulu le croire.
« Et pourquoi accepterai-je d’y aller ? » Mon attitude était déjà résignée, mais je voulais connaître la deuxième nouvelle.
« Pour rencontrer ta future épouse. Bien que tu la connaisses déjà vaguement, il me semble. » Si j’avais eu de l’eau dans la bouche à cet instant, je la lui aurais recrachée à la figure. Pourquoi vouloir me marier, moi qui enchainais les conquêtes et n’étais pas foutu de coucher deux fois avec la même fille ? Jamais je ne pourrais le comprendre.
« Devyn Madden, tu t’en souviens peut-être ? Naturellement, tu préférais son frère, le petit bâtard… Comment s’appelait-il déjà ? » Heureusement qu’il y avait un mur derrière moi pour m’empêcher de vaciller.
« Kieren… » Ma voix n’était plus qu’un souffle.
« Ah oui, c’est exact. Bien. Tu peux disposer. » Je me glissai dans le couloir, désorienté. Quelque chose de douloureux était en train de remonter à la surface. Quelque chose de lointain dans ma mémoire, qui n’était plus censé me faire du mal. J’avais envie de vomir.