Hélios est sadique. Hélios est de glace. Hélios est de pierre. Hélios est un Romanova et il porte bien son nom. Parfait héritier de la famille, il ne jure que par les traditions, le sang et les coutumes. Sa famille est au centre de sa vie. Le blason familial ne doit en aucun cas être terni. Autant de valeurs qu'on lui a enseignées, rabâchées et bourrées dans le crâne. Façade froide mais qu'y a t-il derrière son armure ? Certains se damneraient pour le savoir, certains le savent déjà. Hélios n'est pas ce qu'il paraît. Hélios aime rire, Hélios aime la vie. Hélios déteste qu'on lui impose quoi que ce soit mais il y fait face pour les besoins de cette haute société sorcière qui régit le monde dans lequel il évolue. Tout n'est que façade de toute manière. En apparence tout est parfait mais en réalité rien ne l'est. Il doute, Hélios. Il se pose des questions. Il ne sait plus où il en est. Bloqué dans des fiançailles dont il ne veut pas, d'un statut un peu trop lourd à porter et d'une famille un peu trop prestigieuse, il ne sait plus vraiment où se placer. Il doute.

Briséis rattrape son fils par le bras tandis qu’il court pour échapper à une cohorte de maîtres tailleurs qui, baguettes et mètres rubans en main tentent de prendre les mesures du petit garçon. Il se débat comme un beau diable avant de se rendre compte que la poigne de fer qui vient de l’immobiliser est celle de sa mère. Ses yeux se lèvent vers sa génitrice tandis qu’il geint doucement. Il rencontre les yeux durs de sa mère et aussitôt toutes protestations s’étouffent dans sa gorge et ne parviennent plus à franchir le seuil de ces lèvres. Elle a ce pouvoir sur lui : d’un simple regard, il cesse de renâcler et devient un petit garçon on ne peut plus calme et timide. Les prunelles bleues de Briséis viennent se fixer dans celles de son fils et d’un ton on ne peut plus impérieux murmure avec un calme qui fait peur à Hélios :
« Qu’est-ce que ceci Hélios ? »
Le calme avant la tempête. Implacable, elle exige une réponse tandis que le monde semblait figé autour de la scène qui se déroulait. Les tailleurs observent la scène sans piper un mot, Hélios ne sait que répondre devant l’attitude impérieuse de sa mère. Cette dernière, d’un geste sec de la main, congédie les hommes qui s’en retournent à leurs occupations en jetant des coups d’œil par-dessus leurs épaules. Briséis s’accroupit devant son fils et passe la main dans ses cheveux puis sur sa joue. Elle est à la même hauteur que lui et Hélios ne peut plus éviter son regard.
« Alors ? »
« Je… J’ai pas envie. Ils me font peur avec leurs ciseaux. »
Un sourire vient étirer les traits de glace qui se changent en un masque magnifique et rare. Hélios ne voit pas beaucoup sa mère sourire ces derniers temps.
« Ecoute-moi bien. Tu sais que c’est important pour la famille, pour notre famille et tu es l’héritier de cette maison, tu dois t’en montrer digne »
Le ton se fait de plus en plus dur. Les doigts se resserrent toujours un peu plus sur le bras du petit garçon qui commence à ressentir une douleur aiguë mais sa mère ne s’arrête pas :
« Et tu ne nous décevras pas Hélios, me suis-je bien faite comprendre ? Ce n’est pas une question de sentiment ici, c’est une question d’honneur et c’est un immense honneur que de pouvoir être fiancé à un membre de la famille royale, est-ce clair ? »
Elle relâche son étreinte et Hélios recule en titubant. Il ne répond rien et se contente de dodeliner de la tête. Le message est passé. Clairement passé.

Son costume le serre, il veut se gratter mais il n’ose pas bouger ne serait-ce qu’un orteil. Sa mère est à ses côtés et il sent son regard, il sent qu’elle le scrute. Il ne doit faire aucun faux pas, surtout après la scène de ce matin. Hélios regarde la petite fille qui se tient à ses côtés. Ashara Peyredragon de son prénom apparemment mais il ne sait rien de plus, il ne la connaît pas, c’est la première fois qu’il la voit et ils vont être fiancés. Il retient une grimace de dégoût : ces trucs de grands ne le concernent pas. Il ne veut pas être là mais pourtant ne fait pas un geste pour partir. Les Romanova sont dignes qu’on lui a dit. Alors il ne bouge pas. Mais il le voudrait bien. La cérémonie se déroule sans anicroches et Hélios récite parfaitement ce qu’on lui a appris. Cependant, pas un seul regard n’est échangé avec sa promise, il sait à peine à quoi elle ressemble. Aussi, quand viennent les moments de adieux Hélios est il heureux de s’embarquer dans le véhicule qui le ramène chez lui, espérant secrètement peut-être que tout ça n’a jamais eu lieu mais c’est peine perdue. Tout à eu lieu. Tout va avoir lieu. Il ne sait pas encore à quel temps le conjuguer mais les faits sont là : il va devoir se marier un jour. Que ce soit avec ou sans son consentement.

Hélios s’ennuie. Mondanité sur mondanité et encore des mondanités. Il se comporte comme il faut en public mais il n’a envie que d’une seule chose : de s’amuser. Il a remarqué Morrigan et Lukéria au loin ainsi qu’Ashara entre autres mais les deux premières paraissent occupés et la dernière, il ne veut pas la voir. Il l’évite comme la peste depuis leurs fiançailles quatre ans auparavant. Non pas à cause d’elle, mais parce qu’il ne supporte pas qu’on lui assigne d’office quelqu’un. Il esquive un ou deux larbins et se retrouve derrière le château dans lequel ils sont tous accueillis. Et là, devant lui, un spectacle improbable. Un lac. Pour un petit garçon qui s’ennuie, c’est immédiatement une illumination qui se fait dans son esprit et il ne rêve que d’une chose : plonger dans l’immense étendue à ses pieds. Le devoir et l’éthique cependant sont tellement ancrés dans son cœur d’enfant qu’il hésite, il ne sait que faire. Il pense à sa mère et ce qu’elle dira si elle le trouve là mais il n’y a personne, absolument personne. Et il semblerait que personne ne veuille y venir non plus, les mondanités se passant ailleurs.
Timidement comme s’il était déjà en faute sans avoir encore rien fait, il se dirige vers le lac et y plonge sa main qu’il retire aussitôt comme s’il s’était brûlé. De plus en plus indécis quant à la conduite à suivre, il attend que quelqu’un arrive mais personne ne se montre. Alors il se lance et il se retrouve en sous-vêtements dans le lac à patauger comme le gamin qu’il est encore. Grandir dans le monde dans lequel il vit à tendance à occulter cette partie des choses : les gosses sont des gosses et Hélios ne fait pas exception même s’il fait plus vieux, il reste un gamin à qui on a demandé de grandir trop vite. Ce n’est que lorsqu’il ressort de la grande étendue d’eau qu’il se retrouve nez à nez avec un garçon qui doit avoir environ son âge. Hélios se fige en le voyant. Dégoulinant d’eau, il avait l’intention de se laisser sécher au soleil mais son plan semble maintenant compromis. Les deux garçons se regardent en chiens de faïence pendant un long moment avant que Hélios n’ose rompre le silence.
« T’as rien vu d’accord ? »
Sa voix est penaude. Il a conscience de s’être fait prendre la main dans le sac et il sait quelles seront les conséquences lorsque ses parents l’apprendront. Leur premier rejeton n’a pas le droit de faire des choses pareilles en société. L’image avant tout que diable. On ne s’appelle pas Romanova pour rien. Hélios déglutit en pensant au courroux futur de sa mère lorsqu’elle va apprendre ce qu’il s’est passé. Il en frissonne d’avance, les corrections maternelles sont pour la plupart particulièrement sévères. Seulement il se passe quelque chose qu’il n’avait absolument pas prévu. Le garçon qui lui fait face, au lieu de courir le dénoncer à la cantonade, s’approche et le repousse sciemment dans l’eau avant de s’y jeter lui-même. Eberlué, Hélios ne parvient qu’à articuler, la bouche pleine d’eau :
« Mais t’es fou … ! »
Seulement il ne put jamais vraiment terminer sa phrase, déjà ils se battaient dans l’eau comme les gamins qu’ils étaient. Leif Von Rosen venait d’entrer dans la vie d’Hélios.
Ce fut le regard vindicatif et accusateur d’une mère Von Rosen en colère qui accueillit les deux garçons à la sortie du bain. En tentant de se sécher du mieux qu’il le pouvait, Hélios écoutait la diatribe maternelle envers son rejeton qui tentait de discuter. Ce ne fut que lorsqu’elle se tourna vers lui pour l’incendier d’un regard de feu qu’il ne put qu’acquiescer sans rien dire. Qu’elle aille dire ce qu’il s’était passé à sa mère et il était déshérité tout bonnement. Les Romanova étaient beaucoup  moins laxistes que les Von Rosen. Il courba donc l’échine et regardant Leif et sa mère s’en aller et retourna occuper la place qui était sienne, les cheveux encore légèrement humide. Et soudain la soirée avait prit un tour beaucoup plus plaisant, rien qu’en sachant peut-être qu’il n’était plus tout à fait le seul à vouloir s’enfuir d’ici.

Hélios cligne des yeux devant la brusque clarté qui vient soudainement lui frapper les rétines. Il se trouve au centre d’une grande fosse, des paires d’yeux fixées sur lui, sans comprendre ce qui lui arrive. Un pincement au cœur l’étreint tandis qu’il regarde à droite et puis à gauche pour repérer quelques visages connus parmi les faces incrédules comme la sienne. Personne ne semble comprendre ce qu’ils font ici. Personne ne semble se douter d’un enjeu quelconque. Hélios se fige en apercevant, quelques rangs plus loin, son ami Leif, noyé dans la foule de ses semblables. Et il le reconnaît comme un mirage en plein désert : sans être vraiment certain qu’il est vraiment là ou pas.
« Bienvenue à vous ! Vous ne devez certainement pas savoir pourquoi vous êtes ici et c’est bien normal. Vous venez d’être sélectionnés dans l’ordre le plus secret de Poudlard : les vaillants combattants. Ici, un seul mot d’ordre : battez-vous sans tuer. L’arme est à votre choix. »
Le garçon a un geste de la main et retentit tout à coup un son de cloche amplifié par la magie et ensuite :
« COMBATTEZ ! »
Hélios reste complètement interdit devant la tournure que prend soudainement sa soirée des plus banales. Il n’en revient pas. Il n’a aucune idée de pourquoi et comment il a été sélectionné mais soit, ainsi soit-il. Il a à peine le temps de se retourner qu’il se prend un coup de poing en pleine face sans possibilité de faire quoi que ce soit. Il se retrouve à terre, la bouche en sang et soudain son sang chaud de bagarreur remonte à la surface. Il attrape sa baguette magique et de la suite il ne se souvient pas beaucoup sinon de sang qui gicle, de dents qui claquent et d’os qui craquent. Son talent, il le connait par cœur : avec une baguette magique il est un excellent duelliste. Ses poings sont également très utiles mais la plupart des fois sa rapidité de réaction au moment de lancer des sorts est proprement stupéfiante. Il évite, parade et lance avec une vitesse impressionnante jusqu’à ce qu’une nouvelle fois la cloche retentisse et qu’il se retrouve, debout, au milieu de la fosse déjà un peu plus dégagée. Seuls trois sont encore debout dont lui et Leif et un autre bougre qu’il ne connaît ni d’Eve ni d’Adam. Il s’arrête, attendant la suite des évènements qui ne viennent pas. Le garçon qui les a accueillis se lève et proclame :
« Messieurs, vos nouveaux frères ! »
Et un tonnerre d’applaudissements s’abat sur la fosse et les trois garçons encore debout.


Hélios s’avance dans la salle, Briséis à son bras. Le protocole qu’on lui a dit, c’était comme ça qu’il était sensé faire son entrée. Non pas qu’il n’aimait pas se montrer au bras de sa mère c’était une femme respectée et belle mais il aurait préféré s’esquiver et aller courir dehors. Il s’attendait encore une fois à un repas interminable. Les grandes vacances avaient sonnés et toutes les grandes familles vassales de la famille royale avaient été invitées dans l’immense château. Hélios n’avait pas eu l’occasion d’y aller souvent mais s’y sentait la plupart des fois mal à l’aise : rien ne respirait la chaleur et la joie de vivre ici. Digne tout de même, il marche, un air solennel sur le visage. Du regard il croise des yeux connus dont ceux de Leif ou encore de Mirhimah dans un coin. Il passe devant les Vasirilis avec Leone qu’il ne peut pas voir en peinture depuis que ce dernier a tenté de lui piquer sa dernière conquête. Et puis il s’arrêter devant le roi et la reine. A sa droite se trouvent les Ravenclaw et parmi eux les deux jumelles : Morrigan et Lukéria. Amis depuis l’enfance, il a toujours eu un faible pour Morrigan, s’attirant les foudres de Lukéria lorsqu’il décida de prendre son parti lorsqu’elle fut désignée héritière. Encore aujourd’hui, il ne saurait dire si ce qu’il a fait est bien ou non mais il ne peut maintenant plus revenir en arrière. Il adresse uniformément un regard amical aux deux jeunes filles et tourne de nouveau la tête vers la famille royale et commencent alors les convenances. C’est Briséis qui parle le plus tandis qu’Hélios reste en retrait, en attente. Ses yeux s’attachent un instant à Ashara, la fille du couple royal. Elle est très jolie, il ne peut le nier mais quelque chose en lui le pousse à la fuir misérablement. Plus les années passent, plus ce mariage arrangé dans lequel il est emprisonné se resserre et l’étouffe. Il ne le supporte plus allant jusqu’à dénigrer la jeune femme en public. D’elle il ne sait presque rien si ce n’est qu’elle doit être aussi ravi que lui de ce mariage c'est-à-dire très modérément. Mais jamais il n’irait la voir pour confirmer ce qu’il pense, estimant qu’en la fuyant le plus possible peut-être que ces fiançailles finiraient par être rompues savait-on jamais. Grave erreur de jugement. Au moment même où le roi invite Briséis et la famille Romanova à prendre place autour de la table il ajoute également :
« En espérant que prochainement nous dînerons à la même table pour célébrer le mariage de nos enfants ! »
Le sang d’Hélios se glace dans ses veines en entendant ces paroles. Il baisse la tête et ne dit rien, n’osant regarder les yeux qui les scrutent certainement, Ashara et lui. Pas un seul coup d’œil n’est échangé entre eux. Dire qu’ils seront de parfaits étrangers au moment du mariage … Qui ne saurait tarder d’ailleurs. Hélios avale sa salive et trouve avec plaisir une place auprès de Morrigan. Légèrement furax sur les bords, l’héritier Romanova a du mal à desserrer les dents.
« Il était obligé de remettre ça sur le tapis. »
Qu’il grince à l’attention de sa voisine. Si seulement tout pouvait passer à la trappe : mariage et promesse de mariage. Il voit Morrigan qui lui adresse un léger sourire en ajoutant :
« Tu pensais sérieusement y échapper ? »
Elle rit doucement de lui avant d’ajouter :
« Estime-toi heureux. Tu aurais pu tomber plus mal… Elle est plutôt jolie. »
Hélios sourit en retour avant d’acquiescer. Certes, elle ne fait pas partie des laiderons loin s’en faut mais tout de même. Il se détourne ensuite de Morrigan pour s’adresses à sa plus jeune sœur, Oksana, qui s’agite sur son siège à côté de lui :
« Tiens-toi tranquille un peu espèce de sauvage. On va se faire virer de la salle si ça continue. »
Il l’aime beaucoup sa petite sœur. Mais elle ne tient pas en place. Et le protocole continue devant ses yeux et commence une après-midi de mondanité. Une autre. Adoucit par la présence de ceux qu’il aime, heureusement pour lui, mais aussi par cette sombre approche d’un mariage qu’il redoute et repousse à grand peine.


« Czarina ! »
Hélios surgit, furax, dans la chambre de sa petite sœur. Cette dernière se coiffe, innocente, et ignore ostensiblement ce grand frère un peu trop en colère pour elle. Hélios voit rouge en cet instant. Son esclave vient juste de mourir sous ses yeux, victime de l’empoisonnement d’une assiette d’un de ses repas. Un coup de sa petite sœur, c’est certain. Depuis quelques mois, cette dernière n’a de cesse de tester ses poisons sur Hélios qui fait goûter chacun de ses plats et qui, de surcroit, les soumets à des examens magiques minutieux. S’il réussit à en détourner beaucoup, certains passent au travers des mailles du filet et aujourd’hui est un jour avec. Son esclave vient de rendre l’âme, son corps est encore chaud et Hélios est en fureur. On ne touche pas à ses esclaves, petite sœur ou pas. Il l’oblige à se relever et la toise, un regard froid braqué sur elle :
« Tu as encore recommencé ! Mon esclave vient de mourir, tout violet.  Je l’avais depuis 6 mois, il va m’en falloir un autre. Mets-toi bien dans la tête que ce ne sont pas tes jouets et qu’ils m’appartiennent. »
Furibond, il ne peut s’empêcher de l’agripper afin de la secouer et de se faire mieux comprendre. Il ne supporte pas que l’on touche à ses affaires alors ses esclaves … Encore moins.
« Il fallait mieux le surveiller. Et puis franchement… un de plus un de moins, ce n’est pas grand-chose. Père t’emmènera en racheter un cet après-midi. »
Et elle se détourne en le plantant là. Il a envie de l’étrangler mais se retient. Il ne faut pas. Il ne sait pas ce qu’elle a ces derniers temps mais elle s’acharne méchamment sur lui. Son statut d’héritier peut-être. Il ne sait pas mais cette situation l’agace au plus haut point. Toujours est-il qu'il est hors de question qu'il se laisse marcher sur les pieds. Un tant soit peu de dignité que diable.