La petite fille regardait par la fenêtre avec un air triste sur le visage. Dehors, ses frères et sœurs étaient entrain de rire tous ensemble alors qu'elle, elle ne pouvait pas quitter ses appartements. Officiellement, la petite héritière devait travailler sa dernière leçon de sortilèges mais en réalité, elle s'était évanouie le matin même et elle ne devait absolument pas faire d'efforts inutiles. Sa maladie la privait de liberté et elle se sentait à cet instant précis comme un oiseau en cage. Caressant du bout des doigts son erhu, elle se releva pour avancer lentement vers sa bibliothèque et en prendre un ouvrage au hasard. Les livres étaient son seul refuge, ses amis les plus fidèles qui étaient toujours là pour lui rendre le sourire quand plus rien ne semblait aller fonctionner dans son existence. Elle n'était, après tout, pas une Ravenclaw pour rien. De sa mère, elle tenait la force de caractère, les bonnes manières et un talent inné pour la magie. On racontait déjà qu'elle ne mettrait pas longtemps avant de surpasser sa génitrice en talent et en beauté ou encore, qu'elle était la nouvelle Rowena Ravenclaw – voire même, sa réincarnation. La princesse de saphir, voilà comment on la chuchotait. Tant de pression s'écrasait avec violence sur ses frêles épaules et pourtant, c'est toujours avec un sourire calme et poli qu'elle s'adressait aux autres. Elle était l'image même de la parfaite lady et malgré son jeune âge, tous vantaient ses mérites. Soudainement, elle sursauta en entendant toquer à sa porte alors que ses sourcils se fronçaient légèrement. Elle savait que sa mère avait demandé à ce qu'on la laisse seule et elle ne pouvait s'empêcher de se demander qui pouvait être assez fou pour aller contre les directives de la grande Freya Ravenclaw. Avançant tranquillement et avec grâce jusqu'à la porte, elle finit par l'ouvrir pour tomber sur trois visages souriants et rayonnants. Jaime, Faye et Gwayne. Les trois personnes les plus importantes de sa vie – bien qu'elle se serait bien gardé de l'avouer, bienséance oblige. Si le premier avait des fleurs fraîchement cueillie dans ses mains, la seconde avait amené une petite pile de nouveaux livres et le dernier, de quoi manger un peu. Les regardant d'abord avec consternation – n'avaient-ils vraiment pas écouté sa mère ? - elle finit par laisser un fin sourire traverser ses lèvres avant que son visage ne redevienne aussi lisse que le marbre. « Vous savez bien que vous n'avez pas le droit d'être ici, n'est-ce pas ? » Regardant les trois autres enfants rougir, elle finit par s'écarter légèrement pour leur indiquer d'entrer alors que finalement, elle se détournait pour rentrer de nouveau dans ses appartements « Mais je suppose que pour une fois, nous pouvons faire une exception. J'ai, après tout, déjà terminé de réviser ma leçon. » Un mensonge – il n'y avait jamais eu de leçon, du moins, pas aujourd'hui – mais elle sourit intérieurement en voyant l'excitation de ses amis. Même si elle ne le montrait pas, elle était sincèrement touchée que ceux ci aient pris la peine de venir jusqu'à elle plutôt que de rejoindre tous ceux et celles qui s'amusaient dehors sous la neige. Elle ne se sentait plus si seule à présent. Ils étaient avec elle. Et pour la jolie Ravenclaw, cela comptait plus que tout au monde. Plus que tous les trésors, plus que tous les livres et tous les titres.

♛♛♛

« Je me fiche de l'avis de Von Rosen. Freyja, tu es promise à une grande destiné – ne laisse personne se mettre en travers de ton chemin. Pas même ton fiancé. » Elle se redresse royalement, incitant la jeune suédoise à la suivre alors qu'elles quittent les lieux ensemble. Un peu plus tôt, la Ravenclaw avait organisé une nouvelle réunion entre les Morgane de Fer et toutes ensemble, les jeunes sorcières s'étaient entretenues au sujet de leurs fiancés et futurs époux et parfois du mal que ceux-ci avaient à comprendre leurs ambitions personnelles. Elle, elle ne connaissait bien sûr pas ce genre de problèmes. Destinée à reprendre un jour les rênes de son puissant clan, personne et pas même son petit ami n'osait se dresser contre elle et essayer de la remettre à sa place de femelle inférieure. De toutes les manières, si une personne avait osé lui dire quoi que ce soit, nul doute que ses mots cassants et sa langue acérée auraient eu raison du malotru. A Poudlard, tout le monde savait qui était la jeune femme et il n'était pas rare que les hommes inclinent et que les femmes fassent la révérence sur son passage. Elle était apprécié pour son tempérament calme et patient et admiré pour ses talents de sorcières et de leader. Abandonnant son amie qui devait aller retrouver son idiot de futur époux, elle se décida à repartir en direction de la bibliothèque pour travailler un petit peu. Malgré le fait qu'elle était très largement en avance sur ses camarades, la brunette trouvait un certain réconfort à se plonger dans un livre pour étudier – et spécialement en ce moment. Elle avait la sensation que Jaime s'éloignait d'elle et elle ne comprenait pas ce qu'elle avait pu faire de mal pour mériter une telle réaction de sa part. Ils étaient en couple depuis leur première année au château et la jolie brune ne pouvait se demander s'il ne commençait pas à se lasser d'elle – voire s'il n'avait pas une autre jeune femme tout au fond du cœur. L'apercevant d'ailleurs un peu plus loin, elle s'assombrit légèrement en remarquant qu'il était encore entrain de discuter tranquillement avec son esclave, un grand sourire sur les lèvres. Il n'était pas venu la voir la veille comme ils en avaient convenu ensemble et pourtant, pour elle, il trouvait toujours le temps de se libérer. S'approchant de lui, il la coupa de court en finissant par venir vers elle avec un sourire embarrassé. Lui affirmant qu'il ne pouvait pas rester car il avait une affaire urgente à régler, il se pencha pour se contenter d'effleurer légèrement ses lèvres avant de disparaître aussi vite qu'il lui était apparu. Si son visage ne témoigna d'aucune émotion particulière, son cœur se mit à battre douloureusement dans sa poitrine. Elle ne pouvait plus supporter cette situation. Elle avait la sensation de le perdre, de ne plus compter à ses yeux. De n'être plus rien. Et c'était une souffrance encore plus grande que celle que la maladie lui infligeait chaque jour de sa vie. S’engouffrant sans un mot dans la bibliothèque, elle alla s'asseoir dans le coin le plus reculé de celui-ci, pour ne pas être dérangée par qui que ce soit. Elle se sentait triste, fragile et blessée et elle ne voulait pas que quelqu'un la voit comme cela. Autrefois, elle se serait probablement tournée vers Gwayne pour chercher du réconfort mais elle avait également la sensation que celui-ci l'évitait et lui préférait désormais sa propre jumelle. Lukeria. Et cela faisait mal, tellement mal. Mais elle était Morrigan Artemisia Ravenclaw et elle n'avait en aucun cas le droit de se montrer faible ou fragile. Alors elle conservait son masque de façade, ses bonnes manières et elle agissait comme si rien de tout ça ne la touchait. Mais c'était un mensonge, un terrible mensonge. Sous le sourire poli, elle saignait.

♛♛♛

Lentement, elle se redressa en voyant Lysa rentrer dans sa chambre. Elle avait encore énormément de mal à se faire à cette nouvelle demeure, à cette nouvelle existence et tout ce que cela avait bouleversé dans sa vie. Alors que son esclave venait l'aider à se préparer pour qu'elle puisse descendre retrouver son tout nouveau fiancé, elle regardait son propre reflet dans le grand miroir d'or accroché au mur. Elle semblait plus pâle, plus sévère – plus adulte. Les différentes tragédies qu'elle avait pu vivre au cours de cette dernière année l'avait transformée – et par forcément en bien. Cependant, la jeune fille s'en fichait – seul coulait dans ses veines le désir de vengeance. Vengeance contre celui qui part deux reprises l'avait bafouée. Vengeance contre ceux qui avaient osé prendre la vie de son innocent frère, un enfant, un cœur en or. Laissant la jolie blonde lui peigner les cheveux, elle tourna ses orbes noires vers les lettres que celle-ci venaient encore de lui apporter. Toutes étaient encore de la part de Jaime, mais elle se refusait de les ouvrir. Elle ne voulait pas le laisser l'attendrir, le laisser toucher son cœur une nouvelle fois. Jaime était le seul à avoir jamais réussi à véritablement l'atteindre. Elle l'aimait toujours, bien sûr, plus que tout au monde mais elle le détestait en même temps. Il l'avait abandonnée, il l'avait laissée seule. Il avait perdu sa confiance. Et en acceptant de se fiancer à Arathor Peyredragon, en se plaçant sous sa protection, elle avait pour toujours tourné le dos à son passé et malheureusement pour le de Lioncourt, il en était une partie importante. Se redressant soudainement avec violence, elle alla jeter les missives dans le feu de la cheminé avant d'échanger un long regard avec la blonde présente avec elle. Même si Lysa était une sang de bourbe, la jolie brune ne l'avait jamais vu ou traitée comme telle. Elle était son amie, sa dame de compagnie et une des rares personnes en qui elle avait encore confiance. Quittant finalement ses nouveaux appartements, elle fit un détour par une petite chambre non loin de là pour aller voir son fils qui dormait encore dans son berceau. Celui semblait si paisible, si tendre qu'il ne put qu'arracher un sourire triste à sa mère. Elle en ignorait le père – était ce Jaime ou bien son agresseur – mais cela ne l'empêchait pas de l'aimer de tout son cœur. Hermès était innocent dans tout le chaos qu'était son existence et elle ne comptait pas lui faire payer les tragédies de son passé. Déposant un long et tendre baiser sur ses cheveux d'ébène, elle quitta silencieusement les lieux pour rejoindre le frère du roi qui l'attendait probablement pour pendre le souper. En raison de son emploi du temps très chargé, l'homme n'était pas souvent présent mais il lui avait toujours promis de prendre le repas du soir avec elle, peu importe ce qu'il pourrait bien avoir à faire. Entre eux, il n'y avait pas d'amour et il lui avait clairement promis de ne jamais la toucher contre son gré, mais une profonde tendresse et un grand respect les liaient et elle était persuadée que cela était suffisant pour qu'une union comme la leur fonctionne. Laissant les esclaves ouvrir la porte du grand salon, elle afficha une mine quelque peu surprise en apercevant Faye aux côtés de son futur époux alors que finalement, celui-ci lui annonçait qu'il avait fait venir à elle sa dame de compagnie – pour ne pas qu'elle se sente trop seule dans ce château bien trop grand, bien trop vide pour elle. Se contentant de le remercier en s'inclinant, elle était, intérieurement, folle de joie et très émue. Si elle était désormais seule dans les ténèbres, au moins, sa Faye serait toujours là pour lui tenir la main. Toujours.